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l'ouragan de folie 1914-1918; ses artistes ont pu profiter du calme
relatif pour préparer le terrain de la littérature d'après-guerre. D’un
autre côté, le lyrisme a peut-être souffert de ce calme, et malgré tout
le mal qu’il faut dire de la guerre, Ton doit bien avouer aussi qu’elle
exerce une influence capitale sur la formation des personnalités fortes :
Cendrars, P. J. Jouve, Drieu la Rochelle en portent l’empreinte,
encore que l’influence ait été, chez tous trois bien diverse. Et c’est
sans doute l’une des raisons pour lesquelles on ne rencontre pas en
Espagne la même intensité de lyrisme qu’en France.
Ce fut le poète Guillermo de Torre qui, le premier, dans son mani
feste ultraïste "Vertical,, donne une forme concrète au mouvement
moderniste. Manifeste sans théories étroitement établies, laissant à
tout artiste sa personnalité propre, mais lançant un appel à quiconque
sent enfin la nécessité de faire naître une beauté nouvelle, de créer
un art moderne. Guillermo de Torre lui-même a prêché d’exemple, et
est, certes, l’artiste le plus divers, le plus universel de la jeune littéra
ture espagnole. Nous avons publié ici-même (1) un de ses poèmes,
qui n’a mis en évidence que l’une des phases de son beau talent. En
voici une autre dans cet extrait où il caractérise Chariot d’une manière
vraiment saisissante :
Fantoche caricatural
Le mécanisme de ses mouvements
logarithmise l’équation photogénique
Jeu rythmique
des gestes et regards confluant
vers le summum de la grâce pure —
Un autre mérite, et non des moindres, de Guillermo de Torre, c’est
de faire connaître dans la Péninsule, par une collaboration intensive
à toutes les jeunes revues, les divers mouvements modernistes
d’Europe. Il est singulièrement bien au courant de la littérature
française nouvelle, et c’est certes à lui que doit revenir le mérite
d’avoir fait le plus pour faire connaître en Espagne les grands poètes
français actuels : Apollinaire, Cendrars, Cocteau, Sauvage.
Contrairement à ce qui est le cas en France, la nouvelle littérature
espagnole a produit peu d'œuvres jusqu’ici : elle vit surtout dans
quelques jeunes revues, et sans doute les dures conditions de librairie
de l’heure actuelle empêchent les auteurs de publier leurs œuvres.
Des revues plus imposantes, telle Cosmopolis dont Guillermo de Torre
(1) Voir “Ça-Ira„ numéro 17.