Je me figure Elohim plutôt froid que sentimental. L'amour d'une femme est incompatible avec l'amour de Vhumanité. L'imperfection doit être rejetée. Rien n'est plus imparfait que l'égoïsme à deux. Pendant la vie, les dé fiances, les récriminations, les serments écrits dans la pon dre pullulent. Ce n'est plus l'amant de Chirnène ; c'est l'amant de Graziella. Ce n'est plus Pétrarque ; c'est Alfred de Musset. Pendant la mort, un quartier de roche auprès de la mer, un lac quelconque, la forêt de Fontainebleau, l’île d'isch'ia, un cabinet de travail en compagnie d'un cor beau, une chambre ardente avec un crucifix, un cimetière où surgit, aux rayons d'une lune qui finit par agacer, l'objet aimé, des stances où un groupe de filles dont on ne sait pas le nom, viennent balader à tour de rôle, donner la mesure de l'auteur, font entendre des regrets. Dans les deux cas, la dignité ne se retrouve point. L'erreur est la légende douloureuse. Les hymnes à Elohim habituent la vanité à ne pas s'oc cuper des choses de la terre. Tel est l'écueil des hymnes. Ils déshabituent l'humanité à compter sur l'écrivain. Elle le délaisse. Elle l'appelle mystique, aigle, parjure à sa mis sion. Vous n'ôtes pas la colombe cherchée. Un pion pourrait se faire un bagage littéraire en disant le contraire de ce qu'ont dit les poètes de ce siècle. Il rem placerait leurs affirmations par des négations. Réciproque ment. S'il est ridicule d'attaquer les premiers principes, il est plus ridicule de les défendre contre ces mêmes attaques. Je ne les défendrai pas. Le sommeil est une récompense pour les uns, un sup. plice pour les autres. Pour tous il est une sanction. Si la morale de Cléopâtre eût été moins courte, la face de la terre aurait changé. Son nez n'en serait pas devenu plus long. Les actions cachées sont les plus estimables. Lorsque j'en vois tant dans l'histoire, elles me plaisent beaucoup. Elles n'ont pas été tout à fait cachées. Elles ont été sues. Ce peu, par où elles ont paru, en augmente le mérite. C'est le plus beau de n'avoir pas pu les cacher. Le charme de la mort n’existe que pour les courageux. L'homme est si grand, que sa grandeur paraît surtout en ce qu'il ne veut pas se connaître ?nisérable. Un arbre ne se connaît pas grand. C'est, être grand que de se connaître grand. C'est être grand que de ne qias vouloir se connaître