21 d’une pièce qu’ils détestaient autant que faisaient les autres spectateurs, leurs compatriotes. A Paris ce fut de l’indifférence, sauf de la part des poètes qui furent vivement frappés par ce tragique si nou veau ; c’est que les poètes ont toujours plus ou moins tenté de tuer leur père ; mais c’est une chose bien difficile, témoin le Playboy, et voyant la salle le jour de la géné rale, je me disais : « Trop de pères, pas assez de fils (1) ». * * * Après l’échec du Baladin et le scandale de la représen tation, Synge, gravement malade, entra à l’hôpital privé Elpis, à Dublin. C’est là qu’il écrivit Deirdre 0/ the sorrows. sa dernière pièce, c’est là qu’il allait mourir le 24 mars 1909. Le soir entre doucement. Quelqu’un marche dans le cou loir. Lorsque la maison s’endort le vent berce le jardin eri l’abandonne. Un chien aboie ; chaque chose est à sa place : il n’y a plus qu’à se taire et à dormir. Demain le soleil ouvrira les fenêtres. La veille de sa mort il détruisit des lettres, brûla des poèmes. Il exprima le désir d’être porté dans une Chambre ensoleillée. « C’est une jolie chambre, dit-il, et déjà je me sens mieux : maintenant je vais apercevoir les montagnes de Dublin ». Le jour suivant, à cinq heures du matin, il dit à l’infirmière : « Est-il bien utile de continuer à lut ter ? » et, se tournant du côté du mur, il rendit l’âme. PHILIPPE SOUPAULT. (1) Guiilliaiume Apollinaire : Les Soirées de Paris (janvier 1914).