19 une paillasse, les yeux fixés aux murs... Les moellons en étaient grossièrement ôquarris, sans aucun plâtrage, avec dos bavures de ciment dans les joints. Bout-à-boutés, ils se cavalaient par couples, angulaires, irréguliers, innom brables. Ils étalent d’un grain très serré, très doux au toucher. J’y collais souvent ma langue. Ils avaient un petit goût acidulé. Ils sentaient bon la pierre, pierre à-feu et ardoise, silex et argile, l’eau et le feu. A force de- lesregarder,je reconnaissais leurs bonnes grosses faces sans malice. Mais, petit à petit, mon acuité se .précisa. Je discernais des fronts bombés, des joues creuses, des crânes sinistres, des mâchoires menaçantes. J’étudiais chaque pierre avec anxiété, sinon avec terreur. Les reflets de lumière, l’ombre les détachaient d’une façon bizarre. Les traînées de ciment dessinaient des formes étranges. Mon attention s’attachait à ces corps peu pré cisés, tâchait de les mettre en relief et de délimiter leurs contours, et, par une sorte de perversité, mon esprit s’acharnait à me faire peur. « C’en était fini de pion repas. Chaque pierre se mit à tourner, à se trémousser, à se dévisser. Des têtes mena çantes se tendaient vers moi. des gueules ouvertes, des cornes rigides. Des coulées de larves jaillissaient de chaque fente; de chaque trou, des insectes monstrueux, armés de scies, de mandibules, de pinces géantes. Le mur montait, descendait, vibrait, susurrait. Et de grandes ombres se balançaient par devant. Je chavirais dans mon lit. Je fermais les yeux. Alors, après un grand renâcle- rnent d’eau, j’entendais un bruit d’éperons. Un grand cui rassier blanc entre dans ma cellule. Il me projette en l’air comme une balle, me rattrape, me balance, jongle avec moi. Je suis ravi. Je gémis. Je pleure. Je m’entends. J’entends la voix de nia souffrance. Je reconnais ma voix. Je me plains. Je me lamente. « Pourquoi, ah, pourquoi? « ...Le plafond se creuse comme un entonnoir, vertigi neux malstroem qui absorbe goulûment toute la nature