joné^ 128 ANDRE LHOTE On peut dire encore que l’impressionniste enlève les objets à leur gangue terrestre, et qu’il les plonge dans une atmosphère spéciale dont les éléments sont purement picturaux. A sa façon,— qui n’est pas plus mauvaise qu’une autre — (qu’on se rappelle ce paysage de Renoir, à « Cent ans de peinture française * où il y avait rien, qu'une ombre féminine au sein d’une verte fournaise d’herbe dansantes) ; à sa façon, il épure, il spiritualise la matière. M..Vauxcelles, fougueux défenseur de l'impre s sionisme dont il feint de me croire le « tombeur » parce que j’ai osé soutenir qu'un peu plus d'intellectualisme chez iVLonet l'eût empêché de sombrer dans les brouillards de Londres ou dans la mare aux nymphéas, me démontrera que je me livre à des rêveries littéraires et que, même si mes ré flexions étaient exactes elles condamneraient les cubistes, s’il y en avait encore... M.ais, que firent donc ces cubistes, avant qu'ils ne fussent pourfendus par notre Ubu-critique ? Ainsi que le montrent les œuvres que l'on peut voir dans certaines galeries parisiennes, le cubiste, lui, n'a pas besoin d’un spectacle piquant pour être tenté de peindre. Il n'a ni plus ni moins d'imagination que le peintre impres sionniste, mais ses facultés d'invention ne jouent que sur ses souvenirs. Al’ inverse de ses devanciers, il ne travaille à son aise qu’entre quatre murs nus. La vie, trop agitée, le gêne dans ses spéculations purement picturales ; sa mémoire lui suffit, elle lui fournit un arsenal de formes déjà épurées, et toutes prêtes à être soumises à de nou velles combinaisons plastiques. Au lieu de demander à l’extérieur un choc déterminant un état spécial de sensibi lité, le cubiste pur se met de lui-même dans un état émotif favorable à la « création pure » ; plutôt que d'être soumis au monde des sensations, il préfère être maître de ce petit