CHRONIQUE D’ART 131 lyrisme généreux, et qui méritait de se survivre, animait à ce moment-là toute une génération de peintres, qui s’in titulaient cubistes, mais qui eussent plutôt mérité le qua lificatif — d'un emploi d'ailleurs difficile — d'impression nistes plastiques. A tort ou à raison, je demeure fidèle à cette esthétique d'avant-guerre. De vrais-je être accusé de perversité et de mauvaise camaraderie, j'aime la situation indépendante que cette attitude me crée, et j'éprouve un certain plaisir à supporter la douche écossaise des récriminations d'amis demeurés réalistes et des menaces d'excommunication des cubistes purs, — ceux-là, cependant, me louant de faire parfois ce que ceux-ci ne peuvent me pardonner de faire encore... Impressionnisme, cubisme, mots commodes pour les esprits paresseux, collectionneurs de barrières, amateurs de cloisons étanches. Il n'y a pas de cloisons étanches : de même qu'il est impossible de situer exactement le com mencement et la fin de l'impressionnisme, il est impossible de délimiter le cubisme. Chaque groupe influence le groupe voisin. La réaction du cubisme contre l'impressionnisme n'est peut-être qu'un hommage involontaire rendu à celui- ci. Quoi qu'en pensent les défenseurs du cubisme pur, il serait temps de renoncer à de trop subtiles discussions touchant c< la méthode inductive ou déductive », la valeur du nu en peinture, et la question de savoir si la peinture doit « raconter » ou se suffire à elle-même. L'important, actuellement serait de laisser AL Vauxcelles digérer ses matières pesantes, et d’unir nos efforts, nous, peintres, pour hausser la réalité la plus lourde jusqu’à sa repré sentation la plus aérienne, pour porter le concret jusqu'à la forme plastique la plus abstraite, et pour donner à la matière la plus haute apparence de spiritualité.