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REVUE
LITTÉRAIRE
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15 Mai 1917
ÉR
GUILLAUME APOLLINAIRE. Baudelaire dans le domaine public.
— Allons plus vite.
ANDRÉ BRETON.......... Coqs de bruyère.
JACK MERCEREAU........ Poème.
PAUL DERR1ÉE.......... Poème.
MAX JACOB............. 1914.
ROCH GREY............. Monologue.
VINCENT HUIDOBRO...... Deux Poèmes.
LÉONARD PIEUX......... Kilima-N’Djaro.
PIERRE REVERDY........ Matin.
— Une nuit dans la plaine.
— Sur le Cubisme. ( S, $ )
Chronique mensuelle. Note. Livres parus
et à paraître.
i
2
CHRONIQUE MENSUELLE
POÈMES EN PROSE. — En remontant aux plus anciens temps on trouve des
auteurs qui ont écrit des œuvres absolument telles que ce qu’on appelle aujourd’hui
« Poèmes en prose ». Mais, de notre époque, un précurseur fut Aloysius Ber-
trand avec : « Gaspard de la nuit », livre d’après lequel Beaudelaire fit ses
« Poèmes en prose ». On sait à quel point il réalisa un genre différent. Et si
lui-même, dans sa préface, ne nous indiquait pas d’où il est parti, nous l’aurions
toujours ignoré. Oscar Wilde écrivit aussi en prose des poèmes qui ne sont pas le
meilleur de son œuvre pour ceux qui la jugent aujourd'hui complète. Enfin de
nos jours tous les poètes ou presque font ou ont fait plus ou moins du poème en
prose. Et cela dans tous les pays. Et il faut reconnaître que le précurseur de ce
genre actuel, celui chez qui ont puisé tous ceux qui publient encore des poèmes
en prose, c’est Arthur Rimbaud. Certains ont seulement ajouté à ce qu’il a
apporté la technique des poèmes persans, chinois et japonais.
Il serait inadmissible de refuser à ce génie bizarre et incomplet la seule part
qui lui revient. Celle d’avoir créé et encore plus pressenti un métier nouveau,
une structure littéraire neuve qu’il n’a pas poussée plus loin que l’œuvre inachevée
u 5 tour, le m md^ c mnait. Tout le monde aussi voudrait être aujourd’hui l’inven-
teur du poème en prose et de l’esthétique qui en constitue la plus grande valeur.
Il est un peu tard. Rimbaud est mort depuis longtemps mais son œuvre reste. Il
n’est défendu à personne d’y puiser un enseignement. Cela n’autorise, cependant,
pas à se parer de plumes qui ont poussé sur le dos d’un autre.
EXPOSITION. — Depuis la guerre « les Indépendants » ont essayé de se
produire en des expositions fragmentaires dont les circonstances faisaient excuser
l’insuccès. On aurait pu espérer que dans la belle salle de la rue de la Ville-l’Evê-
que, l’exposition de cette année serait mieux réussie.
Je ne crois pas qu’on puisse sortir satisfait après avoir examiné les toiles qui
pour le moment couvrent les murs. Il n’y aurait à citer que quelques noms déjà
très connus et des toiles de peintres qui ne sont plus là. Ce n’est précisément pas
ce que Ton cherche aux Indépendants. D’ailleurs les derniers n’y gagneraient
rien et les premiers ne sont pas tellement avides de réclame. Aussi bien n’est-ce
guère le moment d’en faire à quiconque. Il vaut mieux dire que, décidément,
l’Exposition des « Indépendants » n’est plus aujourd’hui une chose possible. Ils
perdent vraiment trop à être peu.
Et pourquoi donc se servir de cette étiquette prestigieuse qui ne peut qu’évo-
quer infailliblement en nous la foire de peinture unique au monde qui tous les
ans dressait ses tentes où le lui permettait l’hostilité officielle? Le nom de cette
manifestation grandiose, terriblement anarchique, où l’on constatait tous les
efforts et toutes les erreurs, qui attirait tous ceux qu’intéresse autre chose que
l’art officiel, ne peut être emprunté pour désigner un groupe de peintres quel
qu’il soit, sans attirer les visiteurs vers une déception. C’est un rapetissement
qu’il ne faut pas encourager, car il y a des gens que l’étiquette trompe. Il y a
même ceux qui se croient obligés de venir manifester là très haut, à cause d’elle,
les sentiments d’indignation, les moqueries que Ton connaît et vraiment... il n’y
a pas de quoi. Ils n’en sont d’ailleurs que plus pénibles à entendre. Et si je crois
qu'il ne faut pas trop prendre de peine pour éduquer le « public » je crois aussi
qu’il faut éviter de le tromper. On ne doit donc pas risquer de diminuer par des
3
expositions de ce genre le prestige qu’avait acquis ce groupement d’Artistes de
toutes sortes et de toutes tendances qui ne pouvait avoir lieu qu’en France, à
• • •
Paris. Il ne faut pas oublier cela comme l’ont fait ces temps derniers certains
artistes d’ailleurs très peu faits aux coutumes d’ici. Il faudra en temps voulu leur
rappeler cette liberté, cette indépendance de discussion et de critique qui allaient
de pair avec la plus grande liberté d’exposition. Mais pour le moment ce n’est que
l’emploi injustifié d’une appellation que nous avons voulu relever. Enfin, il se
mêlait à cette exposition une œuvre charitable et patriotique pour laquelle il
s’agissait d’obtenir un succès pécuniaire.
Ceci excuse certainement cela.
BAUDELAIRE DANS LE DOMAINE PUBLIC
Exprimer avec liberté ce qui est du domaine des mœursi* on ne
connaît pas de courage plus grand chez un écrivain.
Choderlos de Laclos s’y appliqua avec une précision pour la
première fois vraiment mathématique.
1782, c’est la date mémorable de la publication des Liaisons
dangereuses où, officier d’artillerie, il tenta d’appliquer aux mœurs les
règles de la triangulation qui servent aussi bien aux artilleurs qu’aux
astronomes.
Etonnant contraste ! La vie infinie qui gravite au firmament obéit
aux mêmes lois que l’artillerie destinée par les hommes à semer la
mort.
Des mesures angulaires calculées par Laclos naquit l’esprit litté-
raire moderne.
C’est là qu’en découvrit les premiers éléments Baudelaire, un explo-
rateur raisonnable et raffiné de la vie ancienne, mais dont les vues sur
la vie moderne impliquent toutes une certaine folie.
C’est avec délices qu’il avait aspiré les bulles corrompues qui
montent de l’étrange et riche boue littéraire de la Révolution où près
de Diderot, Laclos, fils intellectuel de Richardson et de Rousseau, eut
comme continuateurs les plus remarquables, Sade, Restif, Nerciat et
tous les conteurs de la fin du xvme siècle.
La plupart d’entre eux, en effet, contiennent en germe cet esprit
moderne qui s’apprête à triompher, créant pour les arts et les lettres
une ère nouvelle.
A cette manne nauséabonde et souvent géniale de la Révolution,
Baudelaire mêla le pus spiritualiste d’un étrange Américain : Edgar
Poë, qui avait composé dans le domaine poétique une œuvre qui est le
pendant inquiétant et merveilleux de l’ouvrage de Laclos.
\
Baudelaire est donc le fils de Laclos et d’Edgar Poe.
On démêle aisément ies influences que l’un et l’autre ont exercées
sur l’esprit prophétique et plein d’originalité de celui que, dès cette
année 1917 où son œuvre tombe dans le domaine public, on peut mettre
au rang non seulement des grands poètes français, mais que l’on peut
encore placer à côté des plus grands poètes universels.
L’influence des littérateurs cyniques de la Révolution se retrouve
dans sa correspondance et dans ses notes.
Celle d’Edgar Poë a décidé le poète à adapter au lyrisme étrange-
ment élevé que lui avait révélé le merveilleux ivrogne de Baltimore, les
sentiments moraux qu’il avait tirés de ses lectures prohibées.
Dans les romanciers de la Révolution il avait découvert l’impor-
tance de la question sexuelle.
Chez les Anglo-Saxons de la même époque, comme Quincey et
Poë, il avait appris qu’il existait des paradis artificiels. Leur exploration
méthodique lui a permis d’atteindre, appuyé sur la Raison, déesse
révolutionnaire, les sommets lyriques vers lesquels les prédicants fous
de l’Amérique avaient dirigé Edgar Poë, leur contemporain ; mais la
Raison l’aveugla et l’abandonna dès qu’il eut atteint les hauteurs.
Baudelaire est donc le fils de Laclos et d’Edgar Poë, mais leur
fils aveugle et fou qui, toutefois, avant d’escalader les cimes, avait
regardé avec une admirable précision les Arts et la Vie.
Il est vrai aussi qu’en lui s’est incarné pour la première fois l’esprit
moderne. C’est à partir de Baudelaire que quelque chose est né qui
n’a fait que végéter tandis que Naturalistes, Parnassiens, Symbolistes
passaient auprès sans rien voir, tandis que les Naturistes, ayant tourné
la tête, n’avaient pas l’audace d’examiner la nouveauté sublime et
monstrueuse.
A ceux qu’étonnerait sa naissance infime de la boue révolution-
naire et de la vérole américaine, il faudrait répondre par ce qu’enseigne
la Bible touchant l’origine de l’homme issu du limon de la terre.
Il est vrai que la nouveauté prit avant tout la face de Baudelaire
qui a été le premier à souffler l’esprit moderne en Europe. Mais son
cerveau prophétique n’a pas su prophétiser et Baudelaire n’a pas péné-
tré cet Esprit nouveau dont il était lui-même pénétré et dont il décou-
vrit les germes en tant d’autres venus avant lui.
Et il vaudrait bien la peine qu’on l’abandonnât comme ont été
abandonnés des lyriques de grand talent tels qu’un Jean-Baptiste
Rousseau dès que, ressassé par les uns et les autres et mis à la portée
du vulgaire, leur lyrisme eut vieilli.
I
— s —
Cependant, même tombé dans le domaine public, Baudelaire n’en
est pas encore là et peut toujours nous apprendre qu’une attitude
élégante n’est pas du tout incompatible avec une grande franchise
d’expression.
Les Fleurs du Mal sont à cet égard un document du premier ordre.
La liberté qui règne dans ce recueil ne l’a pas empêché de dominer
sans conteste la poésie universelle de la fin du xixe siècle.
Son influence cesse à présent. Ce n’est pas un mal.
De cette œuvre nous avons rejeté le côté moral qui nous faisait du
tort en nous forçant d’envisager la vie et les choses avec un certain
dilettantisme pessimiste dont nous ne sommes plus les dupes.
Baudelaire regardait la vie avec une passion dégoûtée qui visait à
transformer arbres, fleurs, femmes, l’univers tout entier et l’art même
en quelque chose de pernicieux.
C’était là sa marotte et non la saine réalité.
Toutefois, il ne faut point cesser d’admirer le courage qu’eut
Baudelaire de ne point voiler les contours de la vie.
Aujourd’hui, ce courage serait le même.
Les préjugés vis-à-vis de l’art n’ont cessé de grandir et ceux qui
osent s’exprimer avec autant de liberté que le fit Baudelaire dans Les
Fleurs du Mal, trouvent contre eux sinon l’autorité judiciaire, du moins
la désapprobation de leurs pairs et l’hypocrisie du public.
Le retour vers l’esclavage que l’on décore de nos jours du nom
de liberté a déjà eu pour premier résultat, en ce qui touche les lettres
(particulièrement en horreur à l’état de choses qui se décide) de sup-
primer l’élite indépendante et par conséquent toute critique digne de ce
nom et le peu qu’il en reste n’oserait pas parler aujourd’hui des Fleurs
du Mal.
S’il ne participe plus guère à cet esprit moderne qui procède
de lui, Baudelaire nous sert d’exemple pour revendiquer une liberté
qu’on accorde de plus en plus aux philosophes, aux savants, aux artistes
de tous les arts, pour la restreindre déplus en plus, en ce qui concerne
les lettres et la vie sociale.
L’usage social de là liberté littéraire deviendra de plus en plus
rare et précieux.
Les grandes démocraties de l’avenir seront peu libérales pour les
lyriques. 11 est bon de planter très haut des poètes-drapeaux comme
Baudelaire.
w
On pourra les agiter de temps en temps afin d’ameuter le petit
nombre des esclaves encore frémissants.
ALLONS PLUS VITE
Et le soir vient et les lys meurent
Regarde ma douleur beau ciel qui me Venvoyés
une nuit de mélancolie
Enfant souris ô sœur écoute
Pauvres marchez sur la grand route
O menteuse forêt qui surgis à ma voix
Les flammes qui brûlent les âmes
y . ’ I , \ A I
Sur le Boulevard, de Grenelle
Les ouvriers et les patrons
Arbres de mai cette dentelle
ne fais donc pas le fanfaron
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
' ) 1 î V' . ~ * ’ ;
Tous les poteaux télégraphiques
Viennent là-bas le long du quai
Sur son sein notre République
A mis ce bouquet de muguet
qui poussait drû le long du quai
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
L a bouche en cœur Pauline honteuse
Les ouvriers et les patrons
Oui-dà oui-dà belle endormeuse
Ton frère
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
COQS DE BRUYÈRE
Coqs de bruyère... et seront-ce coquetteries
ou de casques couleur de quetsche ?
Oh ! surtout
qu’elle fripe un gant de Suède chaud
soutenant quels
feux de Bengale gâteries !
Au Tyrol, quand les bois se foncent, de tout
l’être abdiquant un
destin
digne, au plus, de chromos savoureux,
mon
remords : sa rudesse, des maux,
je déqaqe les capucines de sa lettre
' ANDRÉ BRETON
POEME
Un fier crépuscule sur la ville et puis là,
Unecloche qui râle et râle.
Tant de choses meurent si près
Qu on est peureux d’être encor là,
Parmi le bleu du ciel si pâle
Et parmi Vangélus qui maudit son secret
Approche-toi de ma misère
O toi qui marchas parmi les maudits
Et crois qu’après ce soir
D’autres soirs te courberont vers la terre,
Plus impérieux et plus maudits,
Des soirs pleins de tourments et puis des soirs...
8
Quand tu auras vécu tous ces soirs ridicules,
Dressant partout Vorgueil de ta victoire
Tu croiras à la gloire éclatan te des cuivres ;
Mais bientôt surgira ton dernier crépuscule :
Lors tu comprendras de tes rêves Villusoire
Et pleureras d!avoir encor ta mort à vivre
(Les crépuscules mystiques)
JACK MERCEREAU
EN
L’île où le flot me jeta ne portait
vestige. Point de fruits
mais aux branches montent de grosses tortues rouges qui tombent quand
elles sont mûres. Sur le sable, des hippocampes et des lunules courent
crinière au vent et les éponges marines viennent bâiller au soleil. Des
gris aveuglent par
des lapins pansus, et je me nourris de
charognes
Chaque nuit, depuis six ans, j’écoute plein de frissons les accou-
s’entre-choquent avec un bruit de
plements des grands
tonneaux vides.
casoars
Deux
m’espionnent
Le
sements
d’étranges frémis
Notre Dame du Bon Secours faites qu’une vigie découvre la che
mise que j’ai clouée au plus haut d’un sapin sur le pic de la Délivrance
Paul Dermée
1914
Son ventre proéminent porte un corset d’éloignement. Son cha-
peau à plumes est plat ; son visage est une effrayante tête de mort mais
brune et si féroce qu’on croirait voir quelque corne de rhinocéros ou
dent supplémentaire à son terrible maxillaire. 0 vision sinistre de la
mort allemande.
Max Jacob
SUR LE CUBISME
Le mouvement de peinture qui, né il y a quelque dix ans, a été baptisé du nom
de Cubisme n’est peut-être pas celui qui a le plus étonné le monde ni celui qui,
après avoir eu le plus d’ennemis a récolté le plus d’adeptes ; mais il est incontes-
tablement l’Effort artistique qui, en étant le plus important de notre époque, y a
apporté le plus de confusion.
Cette confusion, dans laquelle on a semblé, au début, se complaire, a assez
duré.
Les efforts que chaque artiste tente de son côté pour la faire cesser nous le
prouvent.
On sent, de toute part, un besoin de s’entendre et de mieux se comprendre. Je
parle des artistes, car ce n’est pas seulement dans le public, mais chez les artistes
eux-mêmes que l’équivoque exista dès le début et qu’elle persiste malheureuse-
ment encore.
Il n’est pas seulement question des divergences de goût qui existèrent de tout
temps chez eux et ne cesseront heureusement jamais.
Mais il est quelques points essentiels qu’il serait peut-être bon d’atteindre et
d’admettre en commun afin de constituer une base à un art dont beaucoup se
réclament pour des raisons tout à fait différentes et même opposées.
Il s’agit cependant d’un art qui par sa persistance et son développement a assez
prouvé ses raisons et ses droits d’exister.
L’opinion d’un seul ne saurait certainement mettre tout le monde d’accord ;
mais il n’est peut-être pas vain de tenter quelques éclaircissements d’ordre géné-
ral, quelques précisions d’ordre particulier utiles en tout cas à trancher une diffé-
renciation nette.
Les efforts sérieux de certains ne sauraient que gagner à ne pas être confon-
dus avec' les fantaisies plus ou moins justifiées, plus ou moins honnêtes (artisti-
quement) de peintres qui, n’ayant rien à apporter au mouvement, ne sont attirés
que par le modernisme à outrance quand ce n’est pas par d’autres raisons
moins avouables.
Certains ont prétendu dépasser le cubisme qui est l’art en évolution de notre
époque et, pour en sortir, ils sont revenus en arrière.
Retombés dans l’art d’imitation en choisissant seulement parmi les plus modernes
les objets à représenter, ils ont cru solutionner un problème ardu en tournant la
difficulté.
Par les titres dont ils étaient obligés de compléter leurs œuvres ils sortaient
du domaine plastique pour entrer dans un symbolisme littéraire dont la fantaisie
est, dans le domaine de la peinture, absolument sans valeur.
Aussi bien, s’il est difficile de trouver des moyens nouveaux dans un art, il n’est
méritoire que de les trouver propres à cet art et non pas dans un autre.
C’est-à-dire que les moyens littéraires appliqués à la peinture (et vice versa) ne
peuvent que nous donner une apparence de nouveauté facile et dangereuse.
Le cubisme est un art éminemment plastique ; mais un art de création et non
de reproduction ou d’interprétation.
Or que peut-on créer en peinture si ce n’est le tableau ; et cette création à l’aide
de moyens nouveaux appropriés? Les premiers peintres cubistes ont trouvé des
moyens propres dont ne se sont pas assez préoccupés ceux qui ont marché sur
leurs traces. Ceux-ci ont pris l’apparence des œuvres déjà produites et ils ont
fait à la manière avec la prétention de commencer pour leur propre compte un
art nouveau. Il est temps de s’en apercevoir, car on ferait de cet art profond dont
on n’a su voir que le côté superficiel un art superficiel. Avec cette désastreuse
— Il —
façon déjuger on n’a vu qu’incohérence là où il y eut, dès le début même, recherche
de discipline. Aujourd’hui pour quelques rares élus la discipline est établie et
comme on n’a jamais rêvé d’un art froid, mathématique et antiplastique, unique-
ment cérébral, les œuvres qu’ils nous donnent s’adressent directement à l’œil et
aux sens des amateurs de peinture.
Mais pour aimer cette peinture il faut d’abord comprendre pourquoi son aspect
est tellement différent de celui auquel notre œil était accoutumé.
Le but est différent ; les moyens doivent l’être aussi-et le résultat également:
plaire au public, ce qui sera la conséquence du résultat, n’est qu’une affaire d’édu-
cation de sa part.
Depuis la création de la perspective comme moyen pictural on n’avait trouvé
dans l’Art, rien d’aussi important.
Notre époque est le temps où l’on a trouvé l’équivalence de ce moyen merveil-
leux.
Comme la perspective est un moyen de représenter les objets selon leur appa-
rence visuelle, il y a dans le cubisme les moyens de construire le tableau en ne
tenant compte des objets que comme élément et non au point de vue anecdo-
tique.
Il devient alors nécessaire de préciser la différence qui existe entre l’objet et le
sujet. Celui-ci est le résultat de l’emploi des moyens de création que l’on s’est
acquis : c’est le tableau lui-même.
Les objets n’entrant plus que comme élément on comprendra qu’il ne s’agit pas
d’en donner l’aspect mais d’en dégager, pour servir au tableau, ce qui est éternel
et constant (par exemple la forme ronde d’un verre, etc...) et d’exclure le reste.
L’explication de la déformation des objets, que le public n’a jamais eue, est là.
Elle est une conséquence et ne saurait être admise comme fantaisie arbitraire du
peintre. Autrement nous ne sortirions pas des déformations caricaturales excusées
par cette expression surannée pour nous : « la façon de voir ».
Après ce qui précède on comprendra que nous n’admettions pas qu’un peintre
cubiste exécute un portrait. Il ne faut pas confondre. Ce qu’il s’agit de créer c’est
une œuvre, un tableau en l’espèce, et non pas une tête ou un objet, construits selon
des lois nouvelles qui ne justifieraient pas assez l’apparence où elles aboutissent.
C’est cette création, dont je parlerai aussi plus tard à propos de poésie, qui mar-
quera notre époque. Nous sommes à une époque de création artistique où l’on ne
raconte plus des histoires plus ou moins agréablement mais où l’on crée des
œuvres qui, en se détachant de la vie, y rentrent parce qu’elles ont une existence
propre, en dehors de l’évocation ou de la reproduction des choses de la vie. Par là,
l’Art d’aujourd’hui est un art de grande réalité. Mais il faut entendre réalité artis-
tique et non réalisme; c’est le genre qui nous est le plus opposé.
On a donc le droit de dire que le cubisme est la peinture même autant que la
poésie d’aujourd’hui est celle qui est la poésie même. Et qu’importent après cela
les objets dont on se sert, qu’importe leur nouveauté si l’on s’en sert avec des
moyens qui ne sont pas nés avec eux et pour eux? De là seulement, de cette appro-
priation de moyens totale naît le style qui caractérise une époque.
Dans le domaine de l’art ce ne sont jamais les créations d’un autre ordre qui ont
servi de jalon et quand nous parlons d’époque il faut entendre époque artistique
— parce que je ne suis pas chauffeur d’automobile.
Pierue Reverdy
The painting movement which, born some ten years ago, has been called
Cubism, is perhaps not the one which surprised the World the most, nor the
one which, after getting the greatest number of enemies, recollected the most
of adepts; but itisundoubtedly the artistic Effort which, being the most im-
portant of our time, brought in it the most of confusion.
This confusion, in which at first people seemed to delight, itself, lasted long
enough. The efforts attempted by each artist to make it cease is a proof of
it. The need of understanding and of better understanding is felt everywhere.
I am speaking of artists, as it is not only amongst people but also amongst
artists that the ambiguity existed and, unfortunately, exists still with persis-
tance.
The matter is not only the divergencies of taste which existed always
amongst them and will happily ne ver cease, but there are several essential
points which it would be perhaps useful to reach and to admit in common, in
order to establish a base for an art which many claim for absolutely different
and even opposed reasons. The matter is yet an art which by its persistance
and its development has proved enough its reasons and its rights to exist.
The opinion of a single man could certainly not make everybody agréé;
but it is perhaps not useless to attemptto some explanations of general order,
some précisions of particular order, useful in any caseto résolve a clear diffé-
rence. The serious efforts of several would certainly gain by not being con-
founded with the more or less justified, more orless honest (artistically spoken)
fancies of painters which, having nothing to bring to the movement, are only
attracted by the beyond-measure modernism when it is not by otherless avo-
wable reasons.
Some pretentedto go beyond Cubism, which is the art in évolution of our
time, and in order to get out of it, they went backward. Back again to the art
of imitation in choosing only between the most modem objects to be repre-
sented, they believed, in avoiding the difficulty, to solve an arduous problem.
With the titles under which they were obliged to complété their works, they
left the plastic domain for a litterary symbolism, the fantasmagoria of which is,
in the domain of painting, absolutely worthless. Also, if it is difficult to find
new means in an art, it is only worthy to find them proper to this art and not
in another one. This to say that the litterary means used for the art of pain-
ting (and vice versa) can only give us an easy and dangerous appearance of
novelty.
Cubism is an eminently plastic art; but an art of création and not of
reproduction or interprétation.
Now, what can amancreate in painting, if not a picture, and this création
with new adapted means ? The first cubist painters found proper means and
those who followed their traces did not pay enough attention to them. The
latter took the appearance of works yet realised and worked « in the manner »
with the prétention to starton their account, a new art. It istime to notice it,
otherwise people would make of this deep art— of which only the superficial
side was seen — a superficial art. By this di sastrous way of judging, people
saw only incohérence where there was, even at start, research of discipline.
To-day, for few rare elected, the discipline is established, and as no one has
ever dreamed of a cold, mathematic and antiplastic, solely cérébral art, the
works which the cubist artists produce, appeal direct to the eye and to the sense
of the lovers of painting. But to love this painting it must be first understood
why its appearance is so much different from the one our eye is accustomed
to.
IV
The
equally
different
means must also be so, and the resuit
the oublie, which will be the conséquence of the
only a question of éducation of the latter.
tant has been found in art.
means, nothmg more impôt
the
Our period is the time when the équivalent of these marvellous means has
been found. As perspective is the means to represent objects after their visual
appearance, there exist in cubism the means to construct the picture in paying
attention to the objects only as éléments and not on behalf of the anecdotic
point of view.
It now becomes necessary toascertain the différence which exists between
the object and the subject. The latter is the resuit of the gained means of
création ; itis the picture itself. Objects being taken only as éléments, it will
be understood that the question is not to express their appearance but to clear,
for the use of the picture, ail what is eternal and constant (for instance
round form of a glass, etc.) and to exclude the rest.
The explanation of the deformation of objects, explanation which was
never made known before to people, is there ! The deformation is a consé-
quence and ought not to be considered as an arbitrary fancy of the painter.
O therwise we would never get rid ofthe caricatural deformations excused by
this out-of-date expression « the way of seeing ». After this, it willbe unders-
tood that we do not admit that a cubist painter makes a portrait. No confusion
ought to be made here. The matter is to create a work, a picture as a matter
of fact, and not a head or an object, constructed according to new rules which
would notjustify enough the appearance by which they end.
It is this création, of which I will speak also later, about poetry, which
will mark out our time. Welivein a period of artistic création in the course
of which no more stories are told, more or less agreeably, but during which
Works are created which, breaking off with life, corne in again because they
hâve their own existence, outside évocation or reproduction of things of life.
After this, the art of to-day is an art of great reality. But it must be unders-
tood artistic reality and not realism ; the latter is the genre wich is the most
opposed to us.
It canthen be said that cubism is painting itself as well as to-day’s poetry
is poetry itself. Never mind, after this, the objects which are used, never
mind their novelty if they are used with means not burn with th.em or for
them. There only, in this entire appropriation of means, is the birth of the
« style » wich characterises a period.
In the domain of art it is never the créations of another kind which served
as stepping-stones, and when we speak of period we mean artistic period
as I am nota motor-car driver.
Pierre Reverdy
Traduct. par Léonce Alexandre-Rosenberg,
Interprète militaire.
Signais Company, 3rdArmy H. Q
B. E. F.
«
MONOLOGUE
Comment expliquerais-je à Dieu mon bonheur de vivre dans cette
bonne chaleur, moi qui crains tellement le froid!
J’écoute le bruit de la vague chaude, qui monte dans d’humbles
tuyaux creusés exprès pour qu’elle vienne chauffer tous les étages, n’im-
porte ! chez moi aussi.
Aucune préférence à aucun locataire : prévoyance miraculeuse en cas
d’hostilité de quelque brave dégoûté de me voir vivre.
On dirait que l’eau crépite en souvenir du feu qui la chauffa, qu’elle
veut donner encore plus que de la chaleur : l’illusion de ce jeu qui brûle,
comme si l’on n’avait pas déjà assez de bonheur!
Bonne vague ! venue honnêtement... d’où ? Quelque part, très loin, un
lac sans histoire ni orgueil, dort, paisible comme ses poissons immobiles
et glacés : on ne vit plus aux temps où des animaux sauvages jouissaient
de cette forêt qui l’encercle plus que noire, car c’est déjà la nuit ; mais
dans ce silence on doit entendre des voix de pas, le bruit de branches
cassées... peut-être une lutte de quelques bêtes qui ne sortent qu’aux
heures inconnues, que les hommes ignorent, que le savoir laisse échapper.
Les sources de la volonté divine sont inabordables, ainsi que les
sources de ce lac qui, par des plaines, des ravins, des tonnelles, laisse
docile couler ses eaux dans de tristes maisons de Paris, sans jamais dimi-
nuer, sans jamais ternir.
Lac béni ! je voudrais te savoir d’une couleur merveilleuse, toujours
bleu, que la nuit te verse toutes ses étoiles, qu’elles tapissent ton fond
comme de pavés d’or, qu’elles viennent de partout pour t’égayer !
Aucune volonté de nuire...
Pourtant ! une révolte pourrait t’affoler de fond en comble, et cassant
toutes les défenses, effrayant cataclysme jamais vu! tu éclaterais dans de
misérables tuyaux parisiens ; leur échafaudage fantastique s’écroulerait
avec les maisons et la ville périrait emportée dans un nouveau bassin creusé
par ta folie.
Mais tu perdrais le voisinage de la forêt, et des berges et des som-
mets de montagnes, et de tout ce que tu aimes depuis toujours.
Paris, le 26 octobre 1916.
Roch Grey
POEMES
garde
chaleur
mes yeux
larmes
Les dernières
Maintenant tu ne pourras pleurer
Jamais plus
Par les chemins
VAutomne vient
Des doigts invisibles
Arrachent toutes les feuilles
Quelle fatigue !
Une pluie d’ailes
Couvre la terre
La chambre déserte
On sent s en aller la lumière
Les ombres sortent de sous les meubles
Au loin les objets qu’on a perdus
Se rient
nuit
La chambre s’inonde
Un cri
Plein d’angoisse
Personne ne m’a répondu
y IN CE JS T HUIDOBRO
KILIMA
DJ A RO
Le sinistre gronde.
Seul l’esprit voltige sous la giboulée de la tourmente.
Le refuge de voyageurs égarés...
Tremble le sommet de la montagne comme un peuplier abandonné
Ce ne sont pas les Alpes ni les Pyrénées
11
Ces noms si doux !
De troupeaux de bergers
Parfois un guide avec un mort...
Ni guide ni pasteurs !
Une force inconnue m'appelle
Peut-être la voix de cette étoile perchée sur la dernière hauteur
Peut-être le désir de voir les espaces qui cachent 1’Europe...
Quelle glace l
Ni profil ni face
La couleur s’est effondrée avant d’y parvenir
Mon haleine se change en un flot de sang caillé
Mes lèvres cessent de murmurer une prière
La nuit comble tout sans combler le vacarme
Ma montre chante comme une abeille enfermée dans un verre...
Si c’est la mort je prie celui qui me trouvera
D'emporter mon passeport et cette photographie
Et cette mèche de cheveux qui me réchauffe de son dernier effort
D'adresser tout cela au 229 du Boulevard Raspail à Paris.
LEONARD PIEUX
MATIN
Auréolée
La tête aux cheveux de satin
Un doigt levé
Une pensée
Comment ne pouvez-vous entendre
Sur l'oreiller
Front rougissant
Tête penchée
Demain passe derrière
Et je suis en chemin
— 12 —
Déjà
Quelqu’un s’en va
Pour survivre à la nuit
L’oiseau vibre comme un réveil
Dans le rideau
Rayon emprisonné
La guêpe a quitté son corset
La dame a mis ses bracelets
La baignoire est pleine
La Mer PIERRE REVERDY
UNE NUIT DANS LA PLAINE
Je descendis de la colline où le soleil joue dans les glaces du phare.
La nuit, derrière la porte où l’on avait rassemblé les races les
plus différentes quelqu’un parlait encore, en rougissant.
L’exposition de 1900 était depuis longtemps finie. Maintenant on
abattait les animaux autrefois exposés. Le succès n’en était pas moins
grand.
Ici on se recueillait, dans le calme, à l’abri du danger qui menaçait
partout ailleurs les autres hommes qui pouvaient compter pour un
moment, puis jamais plus.
On riait même et l’on pensait tout le mai que l’on n’osait pas dire
de son voisin.
Quelques fleurs avaient roulé en s’effeuillant sur le bord de la
table.
*
* *
Après le premier service on apporta les viandes et l’Indien s’abstint
chastement de peur de renouveler son crime et de dévoiler à tous son
origine. Un anthropoïde honteux qui était là n’aurait pas voulu man-
ger son frère, présenté sous un autre nom.
Au bout de la table un vieil abbé en habit démodé s’abstint aussi.
— 13 —
C’était un vendredi et il se rattrapait par un voisinage éveillant en lui
des désirs qu’il n’avait jamais pu, normalement, satisfaire.
L’Indien sauvage, avec des gestes appris dans les forêts vierges,
où il faut compter avec la souplesse des félins et l’agilité des grands
singes, coupait des fruits qu’il insérait ensuite entre deux rangées de
dents indignes d’un anthropophage (1). Celui-ci fut chassé de sa tribu
pour manque d’appétit et de force virile.
On vit aussi qu’il manquait découragé et de psychologie.
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★
* *
Les vapeurs de l’alcool ont le don de développer en nous les sen-
timents naturels et profonds. On sait que le but de la civilisation n’est
que de les dissimuler—quand ils sont mauvais — et d’en tirer ouverte-
ment parti — quand ils sont bons. Mais elle n’y change rien en réalité
et les hommes peuvent quitter un masque encore plus rapidement qu’un
habit. Au surplus notons que la brutalité n’implique pas la force et que
l’inconscience de la plupart des hommes les fait agir sans plus de consé-
quence que les enfants n’en montrent dans leurs actes. Ils ont en moins
l’excuse que donne à ces derniers le peu de temps qu’ils ont eu pour
gagner de l’expérience.
Tout à coup le décor changea. Je n’en dirai rien de plus que de
l’autre puisque les acteurs restaient les mêmes. Et beaucoup
oubliaient leur rôle devant l’œil curieux du spectateur.
Une douche effroyable ranima les esprits et les ramena vite à la
réalité. Quelqu’un parlait. Le guet-apens tournait au scandale et
l’Indien, qui avait cru que son geste serait un signal, restait seul.
11 avait eu tort, étant lâche, de vouloir agir comme un homme et de
plus comme un homme fort. Il venait de prouver une fois encore
qu’il n’avait jamais que l’air de tout comprendre.
Dans son pays l’honneur consistait à frapper par derrière pour
éviter le déshonneur d’être blessé.
D’où vient le vent qui passe sous la porte? Derrière le rideau
quelqu’un se cache. L’orchestre assourdissant de toutes les sonneries
(1) Voiràoe mot dans le dictionnaire les pays naguère encore livrés à l’anthropophagie.
14
électriques. Le vent souffle trop fort. Là*bas une fenêtre entrouverte
grince annonçant Forage. La foudre tombera peut-être.
Comme il pleuvait tout le monde n’osa pas sortir. Les singes, dit-on,
ont une telle peur de se noyer qu’ils redoutent même la pluie.
*
9
Le lendemain le peintre en bâtiment entra. Il portait, contre la
coutume, une blouse noire.
Il s’agissait de peindre une porte et, au lieu de tremper son pin-
ceau dans un pot de céruse, il sortit de sa poche un stylo qui ne
fonctionnait pas et le trempa dans un encrier qu’il trouva sur ma table.
II se mita inscrire sur la porte des chiffres et des phrases dont je
cherchais en vain à comprendre le sens.
— Mais, monsieur, je vous ai demandé ... Vous n’êtes pas peintre...
Vous n’écrivez même pas en français —Je ne comprends pas.
Le peintre en bâtiment se gonfla dans sa blouse comme un Zep-
pelin— Sa figure étrangement boursouflée prit une expression de
colère qui ne changea rien à son éternel sourire. Un peu d’écume
venait au bord de ses énormes lèvres.
— Monsieur, je suis au contraire le seul peintre et j’ai aussi quelques
élèves. Sachez ceci : La peinture en bâtiment consiste à ne plus faire de
peinture en bâtiment mais des mathématiques.
Je viens de résoudre là une équation du quatrième degré. C’est
mieux que si j’avais seulement mis de la couleur sur votre porte pour
en faire une jolie porte; mais c’est plus cher. Et il compta : 3 mètres sur
2,5; 100 fois len°; vous me devez 500 francs.
Je me sentais transporté dans un monde nouveau— Je descendais
la tête en bas — Mes yeux voyaient des paysages étranges — Une voix
murmura en passant devant les fenêtres du dernier étage : « Et pour
l’honneur de mon pays apprenez que je suis macaque... c'est là-bas.
La prochaine fois je vous dirai quelles particularités physiques font de
moi un personnage digne de figurer chez Barnum.
J’étais arrivé et je fermai vite la porte pour établir ensuite un
courant-d’air.
Pierre Reverdy
3L.es deux numéros suivants seront doubles et con-
tiendront la matière de : Juin-Juillet à paraître fin Juin
et Août-Septembre à paraître fin Août.
15
NO TE
VÉRITÉS NOUVELLES. — Dans une étude d’ailleurs sympathique parue au
Mercure de France (1er mai), Charles-Henri Hirsch nous chicane quelque peu
sur des questions de ponctuation. Soit. Nous donnerons nos idées sur ce sujet
et libre à chacun de se décider.
Mais un reproche plus grave est fait à notre esthétique : « Tout cela est obscur,
quand ce n’est pas déjà ancien». Des œuvres éclairent dès maintenant certaines
de nos formules qui deviendront transparentes au bout de quelque temps. Et c’est
répondre que nous ne prétendons pas être arrivés au bout de nos efforts.
Au reproche du manque de nouveauté dans nos théories opposons ces lignes
narquoises par lesquelles Henri-Matisse terminait un de ses rares articles : « On me
dira peut-être qu’il était permis d’attendre d’un peintre d’autres vues sur la peinture,
et qu’en somme je n’ai sorti que des lieux communs. A cela, je répondrai qu’il
n’est pas de vérités nouvelles. Le rôle de l’artiste, comme celui du savant, se
borne à saisir des vérités courantes qui lui ont été souvent redites, mais qui pren-
dront pour lui une nouveauté, et qu’il fera siennes le jour où il aura pressenti
leur sens profond. Si les aviateurs avaient à exposer leurs recherches, à nous expli-
quer comment ils ont pu quitter la terre et s’élancer dans l’espace, ils nous don-
neraient simplement la confirmation de principes physique très élémentaires que
les inventeurs moins heureux ont négligés. »
LIVRES
PARUS. Vie des Martyrs, par Georges Duhamel (Mercure de France).
L’été 1914, Georges Duhamel était un littérateur de talent, 1.000 jours de guerre,
1.000 jours de contact avec la souffrance humaine dans les ambulances et
dans les hôpitaux ont fait jaillir de sa gorge un cri de douleur et de pitié qui nous
perce le cœur.
Comment tous les médecins militaires, qui sont souvent des lettrés, ne nous
donnent-ils pas des livres comme celui-ci ? C’est que pour être simple et pathétique
sans effort, il faut un art suprême. Presque toujours, dans ce livre, M. Georges
Duhamel a réussi à éviter la littérature et l’éloquence et c’est là le triomphe du
littérateur.
Ce Mémorial de la vie des martyrs, ce journal des souffrances quotidiennes des
blessés, est le plus beau livre écrit jusqu’à présent sur la guerre. On peut même
dire que Vie des Martyrs est la seule œuvre littéraire née de la guerre.
A PARAITRE. Au « Mercure de France » :
Calligrammes
de la
1913-1917, par Guillaume
Le Cornet à dés, poèmes en prose, par M. Jacob.
La jeune poésie française, hommes et tendances, par F. Lefèvre. — Paul
Fort, André Salmon, Guy Ch. Cros, Ch. Vildrac, Adolphe Lacuzon, Vincent
Muselli.
Guillaume Apollinaire, Biaise Cendrars, Max Jacob, Pierre Reverdy ou la poésie
actuelle.
Ouvrage hors commerce tiré à: 20 exemplaires sur Japon 20 francs, 50 exem-
plaires sur Hollande 10 francs numérotés et 500 exemplaires à 2 francs l’exem-
plaire. On souscrit chez l’auteur, 98, rue Coulaincourt.
46
BIBLIOGRAPHIE
G UILL A U ME A PO L LIN AI RE.
L’enchanteur pourrissant, luxe, 1909, bois
d’André Derain. — La poésie symboliste, en
Le Théâ-
tre italien, 1910. Louis Miehaud, Paris. —
L’Hérésiarque et Cle, nouvelles, in-18, 1910
collaboration, 1909 (l’Edition).
(P. V. Stock).
Le Bestiaire nu Cortège
d'Orphée, in-4°, luxe, 1911, bois de R. Duffy
(Deplanche).
L’Enfer de la Bibliothèque
Nationale, in-8°, en collaboration, 1912 (Mer-
cure).
Méditations esthétiques, les pein-
tres cubistes, in-4°, 1912 (Figuière).
Alcools, poèmes, 1913 (Mercure).— Le poète
assassiné, 1916. (Edition.)
MAX JACOB.
La Côte. Recueil de chants celtiques, 1911.
SaintMathorel, roman, 1910.—LesŒuvres
mystiques et burlesques de frère Matorel,
mort au couvent, 1912.— Le siège de Jérusa-
lem, 1911.
PIERRE REVERDY.
Poèmes en Prose. Edition deluxe 1915 (li-
brairie Monnier,7, rue del'Odéon).— La Lu-
carne Ovale (Poèmes), 1916, épuisé.
. Quel-
ques Poèmes. Plaquette (librairie Monnier,
7, rue de l’Odéon).
LE
OUBLIER DE LA PRESSE
LIT T
UT”
CE QUI EST PU a LIÉ DANS LES
JOURNAUX, REVUES & PUBLICATIONS §
de toute pâture
Paraissant en France et à ^Etranger
et en fournit tes "Extraits sur tous Sujets et Personnalités
RÉPERTOIRE dêsGîTÀTïONS de GUERRE
CITATIONS à l’ORDRE de l’ARMÊE
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, Directeur
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12, rue Cortot (18
Librairies : Monnier, 7, rue de l’Odéon et Delesalle, 16
1
Monsieur-le-Piince
GALER
PAUL
* Un ouvrage “ Le Premier Album de Sculptures Nègres ” a paru dont il reste encore
quelques exemplaires au prix de 50 francs. Tirage limité à 60 ex. (Chez Paul Guillaume)
Le premier numéro est complètement épuisé, lioTmis quelques exemplaires
pour collections.
Service gratuit aux artistes et littérateurs du front qui en feront la demande
LES MANUSCRITS NE SONT PAS RENDUS
■ ■as
Jîdresser tout ce qui concerne la Pevue à : ‘Pierre Peüerdp, 12, rue Cortot (18e)
Directeur-Gérant : PIERRE REVERDY.
Paris
lmp. LEVÉ, rue de Rennes, 71.