joindre des correspondances qui faisaient transpirer de luxure une impasse ou crouler de desespoir un faubourg. Dans les per- spectives qu'il leur donnait, nos rues prenaient le mouvement du plus inquietant exode, tandis que nos maisons se trans- formaient en chancres, accumulaient le pus. La corruption qui troublait, boursouflait ou vidait notre chair, se revelait jusqu'en notre limon. Le cancer se generalisait, melait notre sang, notre sueur, nos pourritures ä la terre, rongeait, sechait la campagne, rabougrissait jusqu'aux arbres. Jamais en ces temps atomiques la parente de l'’animal raisonnable et de la planete ne s’avera plus mysterieusement qu'en ces paysages €evacues, lunaires, qui alternaient dans l'ceuvre de Rouault avec les tumeurs de la cite. Il est certaines fautes qui souillent tout ’univers du coupable. Il est certaines peines de I’homme qui ternissent tout le Cosmos. Rouault, il est vrai, a connu autrement qu'en paysagiste nos vallees de larmes, et c'est avec le plus noir humour qu'il peut clamer le nom de cette agglomeration ou il parut sous un bom- bardement : Belleville. Apres cette espece de camp de concen- tration oUü est emprisonnee toute son enfance, une suite jamais interrompue de « barbeles ». S'il s’etablit a Versailles, il y est Etouffe par des angoisses qui le font secouer, comme dans un ouragan, les jardins royaux et torturent toute sa famille dans cette symbolique Impasse des Gendarmes oü il I’a provisoire- ment installee. S’il se refugie dans ce musee dont il est le con- servateur, le voici assailli par des querelles de concierges qui le dechirent encore aujourd'hui. S’'il quitte les zones infortuneges de la capitale pour des quartiers plus riants, il n’a pas plus le loisir et pas plus le coeur d’en goüter les gräces. Enferme de ’aube au crepuscule, pendant des anneges sans vacances, des journeges sans repos dans l'antre d'un marchand qui T’epie et le traque, il ne peut contempler de la ville que les chaos des toi- tures, la tourbe des girouettes et des chemineges. Toutefois, je doute que dans le confort des palaces, les dou- ceurs campagnardes ou les charmes des randonnees celebres, il eut trouve de quoi s’accommoder definitivement de Texil. Quand il effectua, du vivant de Gustave Moreau, ses premiers voyages en province, il fallut ä& ce gargon austere les recom- 6