couramment employes, comme le mot esquisse ou le mot finir, qui contiennent et r&sument [l’histoire pathetique de toute creation: «Chez les grands artistes, &crit Delacroix, le croquis n'est pas un songe, un nuage confus; il est autre chose qu'une reunion de lin&aments ä peine saisissable. Les grands artistes seuls partent d’un point fixe et c'est A cette ex- pression pure qu'’il leur est si difficile de revenir dans Vexecution longue ou rapide de leurs ouvrages.» Cette idee de l’ebauche, embryon complet, nous la retrouvons expos&e par Charles Baudelaire dans son Salon de 1859: «Un bon tableau fidele et egal au r&ve qui l’a enfante, doit &tre produit comme un monde. Un tableau conduit harmoniquement consiste en une serie de tableaux superposes.» Pas un seul instant Delacroix ne se dissimule combien cette fidelite ä l’id&e premiere est difficile: «Il arrive tres souvent que l’execution, ou des difficultes ou des considerations tout a fait secondaires, font devier l’intention.» Il dit ailleurs: «Il faudrait faire des tableaux-esquisses qui auraient la liberte et la franchise du croquis.» Il projette tout un chapitre consacre a la difficult& de conserver l'’impression du croquis primitif: «Le secret dans les arts, ce n’est point d’abreger mais d’amplifier s’il se peut, de prolonger la sensation par tous les moyens.» C’est tout ce monde de formes ä l’etat d’incubation qu'il importait que l’exposition admirable organisee au Muse de Zurich mit sous nos yeux. Ainsi nous pouvons assister ä l’effort poursuivi si fi@vreuse- ment — parfois me&me avec une sorte de desespoir — par Delacroix pour avoir en mains tous les &l&ments necessaires ä la creation, pour puiser savamment, a l’instant voulu, dans le Dictionnaire. On sait le sens qu'il attribuait ä ce mot: «Que ce soit un arbre ou un homme, les formes du modeile ne sont que le diction- naire oU l’artiste va retremper ses impressions fugitives ou plutöt leur donner une sorte de confirmation.» D4