« t *5 » / y • t •• • ê t ■ .1 • * * I * • * / • J • » t CONES « # LA PEINTURE MODERNE La noble volonté de s’exprimer dans leur époque qu’ont quelques peintres a déplacé la base même du jugement et rendu impossible pour le moment du moins toute mise au point; inévitablement la porte de la surenchère s’ouvre grande aux contorsions et aux grimaces puisque le contrôle est devenu plus difficile. Les pre mières recherches n’étaient pourtant pas une alchimie ni un sys tème; elles n’étaient que l’évolution normale d’un art mobile comme la vie elle-même. Déjà au début de 1912 Jean Metzinger et moi essayions dans notre livre “Du Cubisme” de préciser nos directions. Nous affirmions pour le peintre le droit d’être intelligent et cultivé sans pour cela prévoir nullement la nécessité d’être savant afin d’être savant et nous parlions de la stérilité où conduisent en art des incursions dangereuses dans la quadrature du cercle ou dans l’absolu mathématique d’un Henri Poincaré, nous redoutions avant leurs naissances prévues les dogmes et les hermétismes, les destruc tions sous le masque de la construction nouvelle. Ne répudiant rien nous esquissions largement une courbe traditionnelle de la peinture française de Courbet jusqu’à nous les derniers venus, convaincus que l’ordre nouveau ne peut se créer hors de l’ordre permanent. Cela n’empêcha pas les surenchères, ni les théories les plus fantas tiques, qui ont justifié tous les griefs qu’on a fait au mouvement pictural d’aujourd’hui. A côté des efforts sincères que firent des jeunes peintres pour trouver leur véritable expression, il y eut une foule de prospectus, de professions de foi, de manifestes alarmants où s’étalaient une érudition somptuaire et un amour enivré de science, chaque produit étiquetté d’un “isme” impressionant. Le moindre effort général avait prétendu ne rien voir aux tableaux nouveaux, cela avait suffi pour faire franchir d’un bond la distance qui sépare l’incompréhension momentanée de l’incompréhensible. Le bruit des attaques violentes avait fait conclure que la peinture venait d’être juchée sur une estrade et qu’il suffisait de battre la grosse caisse et de soulever l’indignation pour être un grand peintre. L’anathème d’intellectualisme, parmi tant d’autres qui furent profé rées, fût entendue et l’obscurité s’en suivit intégrale par la volonté de raisonneurs de laboratoires qui nagèrent dans un intellectualisme spéculatif. On peignit des abstractions, des forces, des idées pures, des qualités, singulière hérésie, en même temps que des décou vertes scientifiques précises sur le mouvement, on vit des peintres entreprendre des recherches de même ordre vouées à la faillitte à priori. On ouvrit un abime de contradictions en dénaturant certains termes émis par les premiers cubistes, on confondit le dynamisme de la forme avec la vitesse, l’influence sur l’art de la vie d’aujour d’hui dans son ensemble fit ouvrir des yeux étonnés devant certaines de ses manifestations particulières qu’on grossit démesurément, on exagéra l’importance d’une auto ou d’un avion, on ne comprit pas que les subtiles et spirituelles expressions d’un Picabia et d’un Du- champ tout en s’appuyant sur des équivalents mécaniques se tra duisaient en saveur et non en produit mathématique. On amplifia la distance entre la marmite de Papin et le moteur à explosions, on ne songea point qu’entre la brouette et la marmite de Papin la distance était cent mille fois plus considérable encore et que néan moins la peinture d’alors ne se modifia qu’en raison de l’ensemble du temps. On systématisa cette conception de modernisme au point de repousser non seulement l’accident naturaliste et la nature toute entière, mais la peinture elle-même pour accrocher sur la toile des objets temporaires de notre vie ménagère, modifiables à chaque saison, voués rapidement à la décrépitude et qui ne vau draient pas plus demain qu’un daguerreotype ou qu’une crinoline aujourd’hui. Il y a maintenant une confusion déplorable, les mieux intentionnés n’osent pas prendre parti devant l’hermétisme absolu où la bêtise et le génie font hélas même figure, les autres se re fusent énergiquement à tout effort et s’appuyent sur d’évidentes mystifications pour repousser en bloc ce qui leur est inintelligible. Pourtant en dépit de ces apparences la peinture actuelle se dégage de ce flot envahisseur, elle de dégage parceque ses racines se sont résolument enfoncées dans le tuf traditionnel avant d’aller chercher plus loin les nourritures dont elles avaient besoin pour renouveller la floraison. A l’opposé de l’évolution, d’un Picasso qui se fit au contact immédiat des hommes de la dernière génération Seurat, Renoir, Toulouse-Lautrec, Cézanne, Derain, Braque et des éléments exotiques empruntés aux chinois et aux sculptures nègres, le groupe de peintres qu’on appela les cubistes. Le Fauconnier, Metzinger, Delaunay, Léger, Picabia, M. Duchamp, J. Villon, de la Fresnaye, retourna courageusement vers les origines fondamentales, vers les vieux imagiers et les tailleurs de pierre de leurs cathédrales, vers les maîtres d’autrefois qui seuls leur révéleraient les secrets de leur métier, architectures et techniques. Les premiers tableaux por tent les marques indéniables de ces leçons. A côté de l’art tout de sensibilité de Picasso, ces oeuvres apparaissent volontaires, mas sives, contenues, allégresse et humour chez le premier, gravité