Dans l’ancienne province de Franche-Comté, non loin de Besançon, se trouve Ornans, bourgade créée au moyen-âge, qui comptait environ 3000 habitants, en 1819, quand Gustave Courbet y vint au monde. Ornans (de Nans, qui signifie cours d’eau) est traversée par une rivière, la Loue, grossie de nombreux ruisseaux, qui coule au creux d’une jolie vallée. C’est un pays de culture, c’était un pays vignoble. Le père de Courbet récoltait, dans les bonnes années, la contenance de seize à vingt muids de vin. Ce chef de famille qui, sur cinq enfants, en vit grandir quatre: un garçon et trois filles, avait des entêtements, des manières de voir et d’agir, contraires aux us et coutumes. Ses enfants hériteront plus ou moins de ses singularités, de ses bizarreries. Gustave contrecarre ses projets, Gustave veut être peintre. Cela n’ira pas sans résistance ni tiraillements. Plus tard, devant portraits ou paysages, nés sous ses yeux, le bonhomme ne marchande pas les critiques. De plus, il est attaché à son argent. Ses lettres contiennent toujours des reproches ou des conseils équivalents, auxquels il est répondu que les connaisseurs font des compliments. N’est-il pas naturel qu’à l’incompréhension, on réplique en étalant son propre mérite? Jusque-là, ce n’avait été, pour les parents, que déceptions ou ennuis, à cause du caractère rebelle, prompt à la riposte, de Gustave, réfrac- taire à tout, sauf aux courses vagabondes dans la campagne. Dans l’établissement écclésiastique, où il est interne, tout jeune, il se montre indiscipliné. L’archevêque en personne doit le contraindre, l’âge venu, à faire sa première communion. Il ne mord pas aux études qu’on lui enseigne dans la suite à Besançon, il veut «déserter» son collège. Cependant les cours de dessin retiennent toute son attention. Il part pour Paris, où il doit étudier le droit, selon le désir de son père, cat leur cousin M. Oudot, professeur à l’Ecole, peut lui servir de chaperon. C’était en 1840, l’année où Gustave Flaubert vint égale- ment à Paris, dans le même but. Flaubert frissonnera de dégoût, mais il achèvera ses études. Courbet se contentera d’aller voir de temps à autre M. Oudot, étonné en présence de cette confiance en soi que rien ne semble justifier. «Qu’il perce donc, écrit le cousin, qu’il devienne un artiste, la gloire de sa ville natale Prend-il pour le progrès le meilleur moyen? A-t-il raison de vouloir arriver par son seul talent et sans leçons d’un maître? J’en doute un peu; mais enfin, c’est courageux de sa part.» Le courage, l’ardeur au travail sont indéniables chez le débutant qui, par surcroît, a l’esprit de ne pas se démonter. Courbet, âgé de vingt trois ans, présente au Jury du Salon de 1842, composé des membres de l’Institut, un portrait, le sien, dit l’Homme à la Ceinture de Cuir. Refusé! L’année suivante, il récidive. Refusé ! Il revient à