naire d’Ornans, Max Buchon, inquiété pour ses opinions politiques, s’est échappé de Salins-du- Jura, sa ville natale, pour atteindre Fribourg, où il fut naguère étudiant chez les jésuites. Buchon s’était lié d’amitié alors avec le futur auteur de /’Histoire de Ja Confédération Suisse, Alexandre Daguet. Après une année passée à Fribourg, il se fixe à Berne, tout en faisant de longues randonnées à travers les cantons helvétiques, pour se pénétrer des beautés naturelles et s’instruire de la littérature locale. Il écrit des romans réalistes, purement franc-comtois, à Berne, dans une maisonnette avoisinant la campagne et se met en tête de traduire les Poésies alémaniques du bâlois Jean-Pierre Hébel, les Scènes villa- geoises de la Forêt Noire, d’Auerbach, et de révéler aux français les meilleurs romans de Jérémias Gotthelf, qui fut presque aussi fécond que Balzac. Courbet foula votre sol, pour la première fois, croyons-nous, en 1851, pour y revoir le poète Max Buchon. Il fera de lui, plus tard, un portrait magistral, propriété depuis 1896 du musée de Vevey (don de M. Ernest Burnat), conservé par notre ami M. H.-E. Bercher. Le destin a voulu que l’image de Max Buchon soit acheminée vers Bon-Port, où Courbet finit ses jours, où il a sombré, dans cette Suisse, «la contrée de l’Europe, disait Buchon, où le peuple est le plus fier et a le plus de motifs de l’être», dans ce coin de terre où deux amis ont trouvé un refuge contre la sottise etla malignité des hommes. À vrai dire, le peintre d’Ornans n’avait pas eu, de prime abord, le dessein d’attirer la tempête. Mais devant l’avalanche d’injures et d’imprécations, il opposa son front têtu de montagnon franc-comtois. En 1852, les Demoiselles de village subissent les lazzis ordinaires, quant aux Baigneuses, du Salon de 1853, elles sont honnies, font pousser de petits cris aux femmes, dont l’humeur est parfois agressive. Courbet se prépare pour l’Exposition universelle de 1855. Le jury international se prononce contre l’admission de l’Ænferrement et de l’Azelier, deux toiles dont le peintre s’enorgueillit. C’est pour lui une déconvenue, certes, mais il se ressaisit vite et fait installer hâtive- ment une sorte de baraque tout contre le Palais des Beaux-Arts. C’était le premier essai d’exposition particulière organisée par un artiste. Il fut très mal accueilli. Dans la presse, on critique sans ménagement cette nouvelle mode. Quant au public et aux artistes, ils estiment le procédé intolérable. N’importe, le méchant pavillon du Réalisme couvre quarante tableaux et quatre dessins. Quelques mots d’explica- tion sont placés en tête du mince catalogue. Le peintre entend «tra- duire les mœurs, les idées, l’aspect de son époque», selon ses vues, son tempérament, sans imiter ni copier quiconque et sans méconnaître la tradition. Il le dit: «Jai voulu tout simplement puiser dans l’en-