tière connaissance de la tradition, le sentiment raisonné et indépen- dant de ma propre individualité.» Nous sommes loin des manifestes dadaïstes ou surréalistes de nos contemporains. Courbet jugé et maltraité comme un révolutionnaire en art puisait dans la tradition, se réclamait de la tradition. À réfléchir, cette profession de foi, colportée, indisposa sinon enragea les gens, artistes ou non, qui avaient bel et bien la prétention d’être nourris de cette tradition classique, et l’on voulait leur faire avaler des monstruo- sités ! Tel était alors l’état d’esprit des amateurs de peinture, en général. Les amateurs de littérature furent-ils plus clairvoyants? Flaubert et Baudelaire seront poursuivis devant les tribunaux, à la même époque, parce qu’ils avaient du génie, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Nous remarquions précédemment l’arrivée simultanée, à Paris, de Flaubert et de Courbet. Ces deux géants ne devaient point se ren- contrer. Il n’y eut entre eux ni rapports intellectuels, ni même ceux du caractère - le pessimisme atroce de l’écrivain, sa tristesse congéni- tale, sont à l’opposé de la joie de vivre du peintre —, mais une certaine analogie dans leur conception de la vérité en art. L’indiscipline était innée chez l’un et l’autre, comme leur instinct d’indépendance à l’égard de tous, leur non-conformisme. Nous allons les joindre par un chemin détourné. , La poétesse et romancière Louise Colet - dont Me Hélène Frejlich vient de faire revivre les amours ardentes avec Flaubert, dans un livre subtil et fort curieux intitulé Les Amants de Mantes —, la belle blonde Louise Colet s’éprend du beau gars Normand, dans l’atelier du sculp- teur Pradier, à Paris, en 1846. C’est le coup de foudre et cela devient une liaison avec des hauts et des bas, jusqu’en 1848, avec reprise de 1851 à 1854, au mois d’avril, où se produit la rupture définitive. Madame Bovary, qui était en germe au moment du revenez-y, est achevé d’écrire deux ans après la séparation. Le romancier Champleury a succédé à Flaubert dans l’intimité de la dame. Un jour de lassitude, il lui présente son ami Courbet, qui en tire un magnifique portrait en amazone (1856) au temps de la publication de Madame Bovary, dans la Revue de Paris. Quelle abomina- tion! crie la Muse qui se reconnaît à plus d’un trait dans l’héroïne. Mettons que cette extravagante exagère. Pourtant il y a des faits précis, tels petits présents, et, plus que toute autre chose peut-être, les promenades à cheval faites de conserve, lui et elle, dans les envi- rons de Mantes. Enfin, elle retrouve une lettre datée de Quimper, le 11 juin 1847, où il lui écrivait: «Plus tard, si je vis, si tu vieillis, j’écritai peut-être toute cette histoire qui n’en est pas une...» Nul -