couleurs franches en éventail, et il empoignait la brosse ou le couteau. Courbet a toujours eu une préférence pour le couteau à palette qui assure une franchise d’exécution non toujours atteinte avec le pinceau. «C’est dans le doigt qu’est la finesse» dira-t-il encore, ou bien: «Tout est dans l’œil. Je cherche mon ton sur ma palette et ma toile est faite.» En général, le maître d’Ornans, après avoir bien regardé ce qu’il allait peindre, dessinait au crayon blanc, sans croquis préalables, au petit bonheur apparemment, sur une toile préparée en brun ou en rouge. L’esquisse terminée, les personnages en place, il empâtait vigoureusement toutes les parties de la composition: les horizons, les premiers plans, les ombres, les lumières. Ceci fait, il s’attachait au relief des choses, à la profondeur aérienne, à la perspective. C’est à ce moment qu’il annonçait son tableau achevé. Le dernier mot, l’harmonie, il l’obtenait en allant progressivement de l’ombre à la lumière. «Cela vous étonne, dit-il un jour à un ami, que ma toile soit noire. La nature sans le soleil est noire et obscure; je fais comme la lumière, j’éclaire les points saillants.» Un riche amateur de Montpellier, Alfred Bruyas fut le premier acheteur sérieux. Il aimait la peinture pour sa valeur intrinsèque, et partant les tableaux du maître d’Ornans, dont il avait eu la révélation au Salon de 1850o—s;1. Bruyas avec un autre amateur Etienne Baudry et le bon journaliste et écrivain d’art Castagnary, venus tous deux un peu plus tard, entretinrent sans défaillance d’étroites relations d’amitié avec Courbet. Dans le tableau intitulé La Rencontre, exécuté en 1854, on voit Bruyas qui salue largement son peintre, arrivant dans la campagne de Montpellier, très ensoleillée. Premier contact avec la lumière méridionale. Etienne Baudry est Saintongeais. Il invite Courbet, lui aussi. Il fait même construire un atelier magnifique, à son intention, dans sa pro- priété de Rochemont, près de Saintes, où l’on passe de bons moments durant l’été de 1862, jusqu’en mars 1863. Durant ce temps, le peintre a couvert plus de quarante toiles. Cette région de l’ouest peu éloignée de l’Océan a évidemment une autre atmosphère que celle de la Franche- Comté. Courbet sut en exprimer la douceur, la physionomie, le «climat» comme on dit de nos jours. Les molles ondulations de la Saintonge, cette sorte de langueur qui imprègne ce pays fortuné, avenant, dont les prairies sont encadrées par de grands saules; cela a été rendu par l’artiste. Au contraire, les paysages comtois de Courbet sont tout «un drame de couleurs» a écrit M. Haavatd Rostrup. Ajoutons quelques portraits et primant le tout, des fleurs, magnolias, pivoines, pavots, soucis; une moisson splendic:. Je LO