l’élection de Courbet, comme membre de la Commune. ie 16 mai, la colonne Vendôme est abattue aux acclamations du peuple de Paris. Condamné sous le couvert de l’ordre, en 1871 par les néo-républi- cains, pour sa participation à la Commune, Courbet fait sa peine. Il est de nouveau poursuivi, deux ans après, lorsque le parlement décide le rétablissement de la colonne Vendôme. On le rend respon- sable seul. Prévenu à temps, il passe la frontière, en juillet 1872. Où ira-t-il? En Belgique? où il a eu tant de succès aux expositions de Gand, d’Anvers, de Bruxelles; aux Pays-Bas? Il préfère la Suisse, mû par cette attraction invincible qui nous porte vers les êtres qui nous ressemblent, ou du moins dont la manière de vivre et de sentir a des affinités naturelles avec les nôtres. Même bonhommie, une cordialité sans détours, le goût de la liberté qui va de pair avec la générosité. Les mémoires des frais de reconstruction de la colonne se montaient À 323 091 francs-or, et soixante huit centimes. C’était la créance due par Courbet à l’Etat, évaluée précédemment «pour sûreté» à 500 000 francs. Ses biens sont confisqués, ses tableaux sont saisis, notre homme est à la Tour-de-Peilz, où il s’installe dans une maison de pêcheurs, appelée Bon-Port, sur le bord du Léman, aux portes de Vevey. Bon-Port est précédée d’une terrasse surplombant le lac, ombragée de platanes, et bordée par des rochers. À l’extrémité de cette terrasse, existait une cabane où le peintre travaillait en fumant des pipes, ou rêvassait de longues heures devant la muraille de rochers et de verdures ; la France, en face, Saint-Gingolph, au pied du Grammont. Il constate l’amoin- drissement de ses forces depuis l’opération qu’il a subie. Pata, son élève, porte le matériel. Ils passent par Saint-Saphorin, où les celliers de M. Ruchonnet renterment des trésors; les bons crus du canton, où s’arrêtent chez M. Mercanton, à Cully, qui a aussi bonne cave. Parfois ils s’embarquent pour Chillon ou pour Villeneuve. Quand les jambes sont solides, ils gravissent les côtes pour peindre la Dent de Jaman, les Rochers de Naye, ou se dirigent vers Hauteville, soit du côté du parc des Crêtes, pour y peindre des châtaigniers. Naguère, revenant de Munich, il a peint ses premiers paysages suisses, à Interlaken, avec la Jungfrau au loin, et une vue du lac de Brienz. Courbet a entrepris une grande toile: La Dent du Midi et la chaîne de montagnes dont les sommets sont couverts de neige. Elle ne sera jamais terminée. Le Léman, dont il fait beaucoup d’études, par tous les temps, ne l’oblige pas à se déplacer: Nappe bleu turquoise ou bleu d’azur le matin, qui devient blanc d’argent les jours d’été, et gris perle ou gris fonçé au crépuscule, où cheminent des voiles blanches. Une tem- pête de neige l’exalte. Ilregardelonguement, les yeux fixes, grand ouverts, brusquement il est à son chevalet, peint avec volupté, comme autrefois. "A