Volltext: Ça ira (3 = 1920, juin)

ÇA IRA ! 
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C’est vrai, il ne se trouve pour ainsi 
dire personne, à l’heure actuelle, qui 
veuille encore prétendre que ce rôle 
consiste à se mettre docilement au ser 
vice des pouvoirs civils ou religieux. 
Mais, à cette conception primitive du 
but de la peinture une autre s’est sub 
stituée, non moins néfaste, et qui n’est 
que trop souvent admise par l’opinion. 
Elle tend, notamment, à ne considérer 
cet art que comme un auxiliaire précieux 
de la littérature, de l'histoire ou même 
♦ 
de la morale, et destiné — en les 
illustrant — à élargir leur influence et 
à faciliter leur action sur le public. C’est 
l’idée de l’art à portée éducative, dont 
nous avons parlé au début de cet article. 
Il paraît superflu de démontrer ce que 
pareille opinion a de mesquin et que 
c'est ravaler la peinture que de lui 
refuser ainsi toute existence indépen 
dante. Non ! Les peintres ne sont pas 
les sous-ordres des littérateurs ou des 
historiens et ils ont le droit d’édifier une 
oeuvre qui leur appartienne en propre. 
Le but de la peinture est d’exprimer la 
vie — toute la vie, extérieure et inté 
rieure — et cela uniquement avec des 
moyens plastiques. Et il est vain de 
vouloir y mêler des éléments empruntés 
à la littérature ou aux sciences, car cela 
ne peut produire qu'un art hybride, 
incapable de provoquer une pure émo 
tion esthétique. 
Cette vérité, les peintres nouveaux 
en sont profondément imprégnés et 
c’est ce qui leur a permis de réaliser 
enfin des oeuvres d’une plasticité ab 
solue, en s’inspirant rigoureusement du 
vrai rôle de l’art plastique et en lui 
restituant ainsi son plein sens. 
Et c’est pourquoi il est doublement 
injuste d’accuser ces „ bolchévistes de 
l’art ", selon l’expression des bonzes de 
la critique officielle, de méconnaître le 
but véritable de la peinture en produisant 
des toiles que personne ne peut com 
prendre. D’ailleurs, notre conclusion ne 
rentre-t-elle pas dans l’ordre des choses, 
et ne serait-il pas absurde que l’artiste 
doive interrompre sa marche en avant 
pour se maintenir au niveau de la masse? 
C’est celle-ci qui doit tâcher de s’élever 
jusqu’à lui, afin qu'il puisse poursuivre 
sa route sans entraves aucunes. 
Georges MARLIER. 
Le Songe cPun Gosse 
Il se promenait aux alentours de la 
ville. Longeant les fortifications, il 
cherchait une pièce d’or, un homme 
sérieux ou une automobile. Sa démarche 
indiquait un tempérament oisif. Un 
crâne quasi chauve était la caracté 
ristique de son accoutrement. 
Son œil flâneur considérait, tour à 
tour, l’immense platitude des champs, 
et l’imbroglio de toits, de clochers et 
de cheminées qui pointait au dessus de 
la ligne monotone et insipide des rem 
parts. Peu lui importait la température. 
Il ne pleuvait pas, et le soleil était en 
grève. Butant parfois contre un pavé, 
il s’indignait du piètre état où l’Admi 
nistration laissait les routes suburbaines. 
Las de passer en revue les arbres rachi 
tiques qui s'alignaient à ses côtés, il leva 
les bras, s’étira, se coucha, et se dit que 
l’heure de la révolution avait sonné. 
Il s’endormit, mais son sommeil res 
semblait à l’amour ; il ne tarda pas
	        
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