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ÇA IRA !
les fils téléphoniques, intercepta les
messages télégraphiques et parsema la
mer de canots imperméables. L’ennemi
était en nombre, car un contingent russe
lui avait annoncé sa collaboration. Il ne
s’en inquiéta pas, attendant un renfort
considérable que lui envoyait la répu
blique pan-chinoise. Les journaux foi
sonnaient de nouvelles contradictoires.
Les nerfs étaient tendus, et des suicides
sensationnels déroutaient les services
de l’Etat-Civil. La guerre devint inévi
table et un massacre indescriptible
s’annonça.
Au début de l’assaut, le gosse pro
clama à ses troupes :
Camarades ! Frères ! Peuples !
Vous avez la tâche noble d’empêcher
l’autocratie des blancs ! Vous témoigne
rez, dans cette lutte difficile, de votre
audace vraiment jaune !
La révolution, qui consacrera votre
idéal et assurera la paix aux hommes
de bonne volonté, sera votre œuvre et
votre triomphe !!
Je vous donne mon cœur et mon
appui H!
Pendant cette période tragique, un
certain Wilson rédigeait des discours
évangéliques et suppliait le monde de se
taire. Mais Monsieur de Hohenzollern
ne l’écoutait pas, et s’acharnait à tailler
des fagots dans le calme d’un paysage
hollandais.
Le bilan du combat fut triste. Les
fabriques de cercueils ne cessaient de
produire, et les maîtres d’école, pédants
et maniaques, déclamaient à leurs élèves
les sacrifices glorieux et les trépas
héroïques des obscurs soldats. L’huma
nité pensait que la Justice, le Droit, la
Liberté, la Beauté, l’Amour supprime
raient les querelles de partis, et d’aucuns
créaient une “ internationale des répu
bliques fédératives „.
De sa tombe, Galilée répétait : E pur
si muove ! La lumière succédait à la
nuit et l’éternelle métamorphose des
saisons persistait à hanter les sociétés
savantes.
Le gosse vainquit.
Une joie anéantit sa mélancolie. Il
conçut une législation spéciale et se
retira dans la Maison Blanche, qui est,
dit-on, un lieu d’impartiale autorité.
Entretemps, les chinois fermaient les
banques et se partageaient les milliards
de Crésus. Celui-ci les injuria, et fut
abandonné, dans la cave d’une prison,
à ses méditations sur “ l’Avenir des
fortunes incommensurables sous un
gouvernement soviétiste. „ Un mémoire,
qu’il rédigea en ce sens, ne vit jamais
les réverbères des Champs-Elysées. De
chagrin, il légua sa vie aux prolétaires.
Les hautes fonctions qu’occupait le
gosse suscitèrent naturellement la jalou
sie des envieux. L’un d’eux, le très
honorable Chewing-gom, mandarin du
centième ordre, chevalier de plusieurs
dignités, docteur honoris causa des
universités patagonaises, ministre pléni
potentiaire du président de la république
luluaïtaise, se proposa un coup d’état et
réussit à gagner les sympathies des
mécontents. Un brouhaha intense en
résulta, et le gosse promit mille roubles
au policier qui lui apporterait, sur un