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ÇA IRA !
vainqueur, les travailleurs sont les seuls vaincus.
Mais....
Il ne faut pas désespérer : les travailleurs de
tous les pays recherchent l’union qui fera leur
force et supprimera le régime d’oppression
capitaliste.
Et d’aucuns jugent que c’est parce que les
peuples ne se comprenaient pas qu’on a pu les
précipiter dans l’abîme que fut la guerre. Il
faut qu’on s’entende, qu'on se comprenne ;
l’instrument de cette entente sera la langue
universelle.
Il y a plusieurs années déjà, MM. Conturat
& Léau écrivirent dans la préface de leur livre
devenu célèbre depuis, que „la nécessité d’une
langue internationale n’est plus contestée par
personne". Affirmation trop hardie, à notre
avis : la thèse contraire paraît fort défendable.
Qu’une langue universelle soit d’une grande
utilité pratique, nul ne le contestera. Mais
imagine-t-on vraiment que l’humanité, sortant
meurtrie du plus terrible fléau qui la frappa
jamais, n’ait rien de plus pressé à faire que de
se mettre à étudier l’esperanto ou l’ido ? Qu’on
fasse disparaître les décombres là où les armées
ont passé, et qu’on tâche de relever les ruines
ensuite ; qu’on veille un peu à l’éducation
morale de ce peuple, qui semble vouloir hériter
des pires défauts du régime qui va disparaître.
L’étude de l’idiome international pourra se
faire plus tard : rien ne presse encore.
Mais si l’adoption d’une langue universelle
n’est pas d’une nécessité immédiate, il est clair
que cette question devra être résolue un jour.
Et lors il s’agira de choisir l’idiome qui con
vienne le mieux à l’usage de langue interna
tionale, choix qui soulèvera encore bien des
polémiques et des discussions.
Serons-nous espérantistes, idistes....?
Nous combattrons la langue artificielle,
quelle qu’elle soit. Car il est évident qu’un
homme ne parviendra jamais à fabriquer en
quelques années une langue alors que tout un
peuple met des siècles à perfectionner, à enri
chir et à épurer la sienne. Le nombre vraiment
extraordinaire des langues artificielles — il y
en a eu une soixantaine, jusqu’ici — prouve
suffisamment la vanité des efforts de ceux qui
veulent l’imposer. Parmi le nombre, il y en a
peu qui ont survécu. Le Volapück que nos
pères ont étudié avec tant d'enthousiasme, ne
trouve plus guère de défenseurs : il sombra
vers 1890 dans l'oubli le plus absolu, après
avcir suscité le fort engouement qu’éveillent
les conceptions neuves.
Le Volapück fut supplanté par l’esperanto,
langue inventée par le D r Zamenhof, et qui
présente de réels avantages. Le système gram
matical est fort simple : un nombre très limité
de "racines,, sert à la formation de tous les
mots de la langue, au moyen de l’emploi de
préfixes et de suffixes. Au début, l’idiome de
Zamenhof comptait moins de mille racines.
C’était, en effet, d’une grande simplicité, mais
on comprendra sans peine qu’un vocabulaire
aussi étriqué ne pouvait suffire à rendre toutes
les nuances de la pensée contemporaine, si
complexe. L’inventeur, homme très érudit et
fort intelligent, s’en rendit compte et augmenta
son vocabulaire : le nombre de racines fut
porté à plus de trois mille ! Et cela ne suffit
point encore : il fallut faire de nouvelles ajoutes,
provoquer des discussions interminables, faire
des mécontents.... et le schisme s’annonça
înévitable.
On perfectionna l'esperanto qui devint
l’esperantino. On créa l’ido, plus parfait encore
s’il faut en croire ses défenseurs. — Et malgré
tous les efforts de leurs partisans, aucune de
ces langues n’a pu, jusqu’ici, obtenir de succès
quelque peu durable.
Quelle peut être la raison du peu de vogue
de ces idiomes artificiels ? — D'abord, la sim
plicité phonétique et grammaticale n’est pas