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Mais j'agirai. Joignant les syllabes entre elles,
pesant les sons, fuyant les consonnes pareilles,
et visant le succès sincère et sollennel,
sans craindre l'implacable ennui des manivelles.
Je réduirai le dictionnaire au minimum.
Modestement chercheur de vérité, en somme,
condamnant les pantins qui ne sont pas des hommes,
je dirai, concluant : la pose vobiscum.
Et les honneurs, annihilant les bonnes âmes,
je les laisse aux rongés d’ambition, et aux femmes.
Donnez-moi quelques francs pour acheter du pain ;
assurez ma retraite et libérez mes mains ;
respectez mon silence, et soyez le gardien
des parcelles de feu que mon cerveau contient.
Surtout, soyez malins devant les imbéciles.
III.
Te ne veux plus avoir qu’un cœur dans de la chair,
un cœur comme le ciel et comme l’eau,
un cœur immense...
Ce cœur, où sont tassés tous les maux et les rires,
tels des missives, dès longtemps, en un tiroir ;
où l'œuvre des savants et des poètes
a fait surgir les rêves d’aujourd’hui ;
où s’entrechoquent les tourments et les tortures ;
où chaque idée accroît le jugement
— ainsi qu’un sou, dans la besace,
augmente la valeur des sous qui s’y trouvaient —
ce cœur veut être bon, simplement bon,
calmant l’horreur, fermant les plaies,
offrant du pain aux affamés !
Je ne demande pas la récompense.
Je donnerai mon cœur aux sans-amour,
aux assoiffés de sang, aux pauvres,
pour permettre à ces gueux de mourir contents,
et d’emporter, sous le couvercle du cercueil,
la vie d’un frère.