ÇA IRA !
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Pourquoi, si ma maison est grande assez,
si ma chambre est commode et l’hiver à la porte,
pourquoi ne pas bénir le mendiant qui passe ?
Ami, ma bourse est vide et l’on a bu mon vin.
Je ne possède que ma plume et mon papier,
la lampe éclairant mon travail,
la table où je mange, et ma chaise et mon lit.
Mais, entre ! tu verras mes livres, ma famille,
tu nous raconteras tes voyages, tes noms,
et tu repartiras plus agile.
Voilà mon cœur !
tu laisseras ma chair à ses faiblesses,
tu maudiras la chair et tu disparaîtras.
WiLLY KONINCKX.
Soir de Bal
Vaste salle. — Lumières — Parquet luisant — Couples
nombreux — Figures réjouies.
La musique cesse. — Conversation.
Un jeune homme s’avance vers une jeune fille.
Le jeune homme, veston noir, pantalon de fantaisie,
cheveux longs, mine fleurie.
La jeune fille, figure régulière, un serre-tête ceint ses
cheveux blondoyants, mise avec simplicité mais
avec goût.
Lui (souriant) : Mademoiselle, oserais-je
vous prier de m’accorder une
valse ?
Elle : Volontiers, monsieur, mais nous
avons encore le temps...
Lui : J’ai voulu être le premier... Per
mettez que je m’assieds à côté de
vous. Quelle impression vous
fait la soirée ? Il y a beaucoup
d’entrain, vous ne trouvez pas ?
Elle : Un peu trop même à certains
endroits.
Lui : Vous croyez ? oui, nous sommes
ici pour nous amuser.
Elle : Cela dépend comme vous l’en
tendez.
Lui : En effet, ce qui est amusant pour
les uns ne l’est pas nécessairement
pour les autres. Pour moi, casser
les vitres serait beaucoup plus
amusant, mais enfin...
Elle : Les jeunes gens ne sont pas
sérieux. .
Lui : Je vous fais cette impression ?
Elle : Non, je ne parle pas seulement
de vous, je vous connais à peine.
Lui : Moi, je suis moins sérieux à
mesure que la nuit avance.
Elle : Et que faites-vous pendant la
journée ?
Lui : Pendant la journée ? Je poursuis
mes études et vous ?
Elle : Moi, si je vous le disais, vous
ririez. Je prépare mon examen
pour l’école normale.
Lui : Allons donc ? mais je trouve ça
très chic au contraire. Moi, je
suis féministe, vous savez.
Elle : C'est aimable ce que vous dites là.
Lui : Oui, le règne de la femme
approche. C’est mon opinion, les
hommes ne savent plus se con
duire.
(Les musiciens attaquent la valse).