m’était apparue comme l’émanation même du désir d’aimer et d’être aimé
en quête de son véritable objet humain et dans sa douloureuse ignorance.
La fragilité même, l’élan contenu, le côté tout à la fois pris au piège et ren
dant grâce par quoi m’avait si vivement ému l’aspect de ce gracieux être me
donnaient à craindre
tant qu’il n’était pas encore parfaitement venu au
jour
dans la vie de Giacomctti toute intervention féminine comme étant
de nature à lui porter préjudice. Cela, d’ailleurs, était si valable qu'une
telle intervention, passagère, entraîna un jour un regrettable abaissement
des mains, justifié consciemment par le souci de découvrir les seins et ayant,
à ma grande surprise, pour conséquence la disparition de l’objet invisible
mais présent sur quoi se centre l’intérêt de l’œuvre et que ces mains tien
nent ou soutiennent. A quelques légers correctifs près, elles furent rétablies
le lendemain à leur vraie place. La tête cependant, bien que cernée dans
ses grandes lignes, définie dans son caractère général, participait presque
le de l’indétermination sentimentale dont je continue à penser que
l’œuvre avait jailli. Toute soumise qu’elle était à certaines données inrpres-
seu
criptibles
vipérine, étonnée et tendre
elle résistait manifestement à
l’individualisation, cette résistance, comme aussi celle des seins à la parti
cularisation finale, se donnant pour raison avouée divers prétextes plas
tiques. Toujours est-il que le visage, si net, si flagrant aujourd’hui, était
assez lent à s’éveiller du cristal de ses plans pour qu’on pût se demander
s’il livrerait jamais son expression, cette expression par quoi seule pourrait
se parachever l’unité du naturel et du surnaturel qui permettrait à l’ar
tiste de passer à autre chose. Il manquait ici une assurance sur la réalité,
un point d’appui sur le monde des objets tangibles. Il manquait ce terme de
comparaison même lointain qui confère brusquement la certitude.
Les objets qui, entre la lassitude des uns et le désir des autres, vont
rêver à la foire de la brocante n’avaient, ce jour-là, qu’à peine réussi à se
différencier durant la première heure de notre promenade. Leur cours régu
lier n’était parvenu qu’à entretenir sans à-coups la méditation que ce lieu,
comme nul autre, fait porter sur la précarité du sort de tant de petites
constructions humaines. Le premier d’entre eux qui nous attira réellement,
qui exerça sur nous l’attraction du jamais vu, fut un demi-masque de métal
frappant de rigidité en
temps que de force d’adaptation à une néces
sité de nous inconnue. La première idée, toute fantaisiste, était de se trouver
en présence d’un descendant très évolué du heaume, à supposer que celui-ci
se fût laissé entraîner à flirter avec le loup de velours. Nous pûmes, en l’es
sayant, nous convaincre que les œillères, striées de lamelles horizontales
de même substance diversement inclinées, permettaient une visibilité par
faite tant au-dessus et au-desscus que droit devant soi. L’aplatissement de
la face proprement dite en dehors du nez, qu’accentuait la fuite rapide et
pourtant délicate vers les tempes, joint à un second cloisonnement de la
vue par des lamelles perpendiculaires aux précédentes et allant en se res-
partir de ladite courbure, prêtait à ce haut du
d’elle, inébranlable qui nous avait
serrant graduellement à
visage aveugle l’attitude altière,
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