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en voilà une vie que n’envierait pas les carottes à la sauce blanche
ni l’herbe qui pousse entre les pavés bordés de dentellières
sournoises comme un œil derrière un lorgnon
comme un signal de chemin de fer qui passe du rouge au vert
sans plus crier gare
qu’un jardin public où se cache un satyre
Mais la patte de mouche ne demande rien à personne
car les professeurs ne craignent que les escaliers branlants
où le gaz réussit parfois à tuer son ennemi le rat
à coups (le pierre comme un flic chassé à courre
et les étoiles qui effraient les poissons rouges
ne sont ni à vendre ni à louer
des tartes aux abricots
car à vrai dire ce ne sont pas des étoiles
qui ont quitté la boutique du pâtissier
et errent comme un voyageur qui a perdu son train à minuit dans une ville
déserte aux becs de gaz geignant à cause de leurs vitres cassées
Même si le voyageur rencontre une femme nue marchant sur le bord du
trottoir
parce qu’entre les maisons et elle marche un troupeau silencieux
de crocodiles épouvantés par le feu de leurs pipes
et cherchant une église avec un large bénitier
même si le voyageur rencontre cette jeune femme
il n’évitera
pas
l’i
die d’un magasin de ccnfections
d’où s’enfuiront des milliers de puces qui seront considérées comme les
responsables du désastre
mais si le magasin brûle comme une lampe Pigeon
le voyageur se sentira consolé
et attendra
paisiblement
bêtement
amoureusement
courageusement
tristement
ou paresseusement
que sa barbe pousse pour se raser
et se fera une large entaille près de l’oreille
par où sortira prudent et inquiet
un petit lézard de verre
qui ne réussira jamais à retrouver le nombril de son maître
et se perdra dans la cheminée
où l’attendent pour lui faire un mauvais parti
l’épingle à cheveux l’épingle à chapeau l’épingle de cravate l’épingle de
nourrice
et cette brute de saladier écorné
qui serre déjà les poings
Benjamin PERET