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tiré d’une suite d’associations lyriques est mesuré par l’accroissement de la sensibilité
immédiate consécutif à son assimilation et qu’il est aussi fonction du nombre et de l’inten
sité des foyers représentatifs qu’elle condense ou surdétermine dans le mythe personnel.
Ces foyers étant indéfiniment contagieux à cause de leur développement épidémique, on
conçoit sans peine que ces deux échelles coïncident chez tous les individus suffisamment
entraînés à occuper la synthèse qu’ils s’approprient. A cette lumière, l’expression « beauté
d’un poème » n’a guère de signification saisissahle. Au contraire, on connaîtra valable
ment la puissance ou l’objectivité lyrique d’une représentation ou d’une association donnée
à partir de la force, de la stabilité et de la généralité de son utilisation et particulièrement,
par rapport à chacun, à partir de la plus ou moins grande nécessité de son intégration
dans le développement affectif personnel.
Plus profondément, en effet, c’est bien lui qui est en jeu et peut-être aborderait-on
par cette voie quelque étude décisive. J’ai assez dit plus haut quelles graves conséquences
j’en attendais pour ma part, situées à coup sûr au-delà des deux termes du problème cen
tral de la nécessité ou de la liberté de l’esprit.
Il s’agit de systématisation, de connaissance, de connaissance de la nécessité. S’agit-il
par conséquent de liberté, comme l’affirme une certaine proposition trop connue qui pour
rait, semble-t-il, figurer au premier rang des erreurs accréditées? On n’oserait le pré
tendre. Lucide, la conscience est autant dans le déterminant que dans le déterminé, en
qui, ignorante, elle était reléguée. Il ne s’agit donc que de déterminant par soi, que
d’identification à la détermination elle-même.
Aussi bien donnerai-je quelque indication de ce qu’il en est à mon endroit..
Roger CAILLOIS.
RENE MAGRITTE La fissure
se convainc peu à peu de la réalité suprême de ces images. Se bornant d’abord à les subir,
il s’aperçoit bientôt qu’elles flattent sa raison, augmentant d’autant sa connaissance »
(p. 64), ou encore de cette définition : « Le surréalisme repose sur la croyance à la
réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute puis
sance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée » (p. 46).