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nore n’ayant fait de celui-ci qu’un moyen
d3 distraction dont la complexité et les
charmes, pour avoir séduit quelques fortes
têtes, n’en restaient pas moins des prétextes
aux pires falsifications).
Il nous importait peu que quelques mélo
manes s’abîment dans leur contemplation,
mais voici qu’aujourd’hui, qu’il n’y a plus
pour les esthètes de place dans le monde,
qu’il n’est plus de démarche qui se puisse
soustraire à l’obligation de participer à
l’horrible combat où se joue le destin de
l’homme, la musique soudainement est sor
tie des cénacles et — tandis que dans les
autres arts les esprits se sont divisés en
deux camps ennemis, à l’image de la société
même — qu’elle s’est mise toute entière au
service des forces réactionnaires qui, dis
posant pour sa diffusion des puissants
moyens que l’on sait, s’en sont fait une
arme insidieuse de répression intellectuelle.
Une vague sonore de crétinisation déferle
nuit et jour sur le monde; les polkas et les
psaumes s’infiltrent partout, dans les murs
et dans les têtes; un nouveau mode d’abê
tissement est inventé. Les patrons des usines
y vont de leurs encouragements, on connaît
leur propos familier : pendant qu’ils font
de la musique, les ouvriers ne pensent pas
à nuire chose.
Le sort des musiciens ne nous inquiétait
guère, mais comment ne pas dénoncer cette
nouvelle entreprise de détournement des
travailleurs? Cette autre chose dont on
voudrait les distraire et qui n’est rien de
moins que la puissance et la grandeur de
l’homme, ne sommes-nous pas à leurs côtés
pour en hâter l’avènement?
El plus loin, comment ne pas être tentés,
considérant objectivement l’étrange pouvoir
de fascination que la musique n’a jamais
cessé d’exercer sur l’homme, le plus sou
vent contre lui, comment ne pas être tentés
de capter ce pouvoir et d’en faire un instru
ment de connaissance, à son service? C’est
à quoi quelques-uns s’appliquent, avec le
sentiment profond de ne pas s’attacher à
une œuvre vaine.
André SOURIS.
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LE DIALOGUE FOUDROYÉ
BILLON : Que voulez-vous que j’aille faire clans ces amusements et
ces parades ?
GABRIELLE BOMPARD : Je m’éloigne du bonheur, de celui que l’on
peut espérer dans ce monde infernal, mais peu m’importe.
LIABEUE : En travaillant, je ne pouvais oublier l’idée de vengeance.
BONNOT : Je meurs.
(La foudre tombe. Les voix reprennent.)