Full text: Littérature (2 (1920), 16)

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Létoile. —L’oubli comme le vent assemble les feuilles sur 
le pas des portes, puis les chasse. 
La dactylo. — il y a d’autres tourbillons, la griserie des 
soirs de fête et les ordres contradictoires que vous donnez. 
C’est comme à l’approche de minuit les bras du plaisir, quand 
l’inquiétude de la mère et des frères cesse de compter, qu’on 
perd toute notion de la faute et qu’on s’adosse les yeux fermés 
au tuteur d’un arbre. Tout semble alors finir ; il n’y a pas à 
craindre d’être réveillée. Les grands magasins de la Ménagère 
pourraient prendre feu ; toutes les prières pourraient venir : le 
paradis terrestre est loin ; on retourne momentanément au 
nickel solaire et on participe de cœur aux actes de barbarie 
qui se commettent en tous les points du globe. 
Létoile. —Votre manière de déplier le journal m’enchante, 
mais ce jeune homme que je viens de faire arrêter ne vous 
avait rien fait. 
La dactylo. — Le hasard épelle les couleurs que nous 
aimons. Il ne tient pas qu’à nous de jouer notre bonheur sur 
la verte. 
Elle va se blottir dans un angle de la pièce. 
Létoile. — L’apparition du danger coïncide avec vos che 
veux noirs et ces petites mains sur le mur. (Elle étend les bras 
contre les cloisons). Qu’est-ce que cela veut dire : Défense de 
passer ? Les réticences adorables de votre bouche terniraient 
la palme du martyre aussi aisément qu’une petite glace de 
poche. Mais il n’y a aucune exaltation dans mon cas. L’action 
m’importe aussi peu que le reste, et si vous regardez attentive 
ment ma cravate, vous ne croirez pas voir le joli cachemire 
des illusions perdues. 
SCÈNE XII 
Lefebvre entre sans frapper. 
Lefebvre. — Patron, les camarades et moi aurions à vous 
parler. 
Il est suivi de Courtois, Hirsch et Levy. 
Vous nous avez fait promettre de vous obéir sans discuter, 
mais on ne peut pas toujours travailler sans savoir ce qu’on fait. 
Létoile. — Que voulez-vous que je vous dise ? 
Hirsch. — C’est comme au bagne ici. A la sueur de son 
front passe de changer de place un tas de pierres, si on n’est
	        
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