Full text: Littérature (2 (1920), 16)

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Sans doute; et la réflexion de Marc-Aurèle n’est 
point telle qu’on ne la puisse aisément réfuter. Le calem 
bour est peu considéré. Par où l’on remarquerait que les cas, 
où l’on supposait prendre sur le fait cette confusion des 
mots avec les choses, étaient aussi bien ceux où la confusion 
déjà menaçait ruine: comme si son défaut seul, et déjà sa 
fissure retenait notre attention. 
Notre exigence aussi bien, avec ce défaut, 
prend un nouvel aspect. 
VI. FLATTERIES AU LANGAGE. 
Mire parle, et se laisse parler. Sans effort, il 
déplace et rapproche ou bien écarte les villes, de l’or les 
jours ou les nuits. La langue cependant vient à lui fourcher, 
et nous demandons : « Est-ce bien ce mot qu’il cherchait ? » 
Quelque auditeur se plaint : « Nous ne nous entendons 
pas, réplique Mire ; comprenez mieux mes paroles, j’ai 
voulu dire... » Aussitôt se montrent les mots, et tels que 
des signes: c’est ou le sens se trouve menacé, ne joue pas, 
retombe de son haut, de façon que l’on y distingue la pensée 
d’un côté, de l’autre le mot inerte. Gomme un joueur de ten 
nis, qui vient de manquer son coup, regarde avec étonne 
ment un bras, une raquette, tout à l’heure parties de lui, 
à présent étrangers, et faits d’une matière difficile. 
L’idée du signe porte, à côté de cet 
échec et juste à son occasion, la marque d’une con 
fiance. Elle nous informe que les mots, quoi qu’il en semble 
— et celui-là même qui vient de décevoir — appartien 
nent aux idées, qu’il est entre eux une convenance natu 
relle, qu’ils vont refaire sens. Idée pratique, de défense, et 
non pas la simple observation que l’on avait pu croire; elle 
répète: chaque idée a son mot, chaque mot son idée. Un 
peureux ainsi se dit: « Comme je suis calme, s’est surpre 
nant comme je suis calme », et s’encourage. 
Par là se réjoignent les faits qüe tout d’abord 
l’on opposait. C’est bien parce qu’ils veulent le rendre 
signe, et sur lui obtenir ce succès, que Gilia et Atlys, 
à partir du mot qui les déroute, vont imaginer quelque pen 
sée, dont ce mot ne soit plus que l’apparence; telle est leur 
défense contre un langage, dangereux ou gênant, où il se
	        
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