John MiLLINGTON SYNGE : Le Baladin du Monde
Occidental.
Les mots prononcés nous engagent toujours pour la vie. Je regrette la
moindre exclamation: c’est un mensonge, et comment l’oublier mainte
nant ? Il tient dans mon existence cette place que je lui ai donnée.
La faiblesse des hommes pareille aux jolis ciels de moutons s’étire sur
les coteaux verts où les femmes agitent des dentelles avec leurs mains
usées. Le plus petit fait s’explique par l’absurde. Une crainte s?ins nom
parcourt les campagnes inconnues de l’esprit en sifflant des légendes
stupides. Tout est obscur, excepté la tentation. Le désir saute gauche
ment d’un pied sur l’autre; il n’est jamais de longue durée.
Au delà des mots, qu’avez-vous mis comme des pots de confiture sur
les armoires ? Epouvantails affolés par leurs ombres, nous restons tous
plantés au milieu du monde et nous nous regardons les uns les autres avec
des sourires sournois.
CARLOS DE LAZERME : Les jours passés...
Le krach du beau vers, panama des poètes, n’est pas encore connu
de tous: nombre d’entre eux s’efforcent toujours d’habileté à gagner
cette monnaie de singe verbale.L’étude des bons auteurs révèle à la longue
quelques procédés mécaniques pour faire passer un frisson bref dans
l’échine du lecteur. Aussi Monsieur de Lazerme est-il en droit d’attendre
des critiques mille comparaisons flatteuses (et justifiées en somme) avec
Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire ou tous autres noms à son choix.
Robert de SOUZA : Terpsichore.
Trente ans ou la vie d’un joueur. Nous aura-t-on assez répété qu’erreur
ne faisait pas compte ? Les plus obscures faillites ressemblent à la fin
d’un monde ; toutes les agonies se déroulent au milieu de la même indiffé
rence. De temps en temps, si quelqu’un demande: Le symbolisme est-il
mort ? la vieille muse à voix cassée vient faire sa petite Sarah Bernhardt
pour les jeunes gens aux dents longues. La moquerie irréfléchie ou l’admi
ration par pitié, voilà tout ce qu’ils trouvent devant ces contorsions péni
bles comme la mendicité. Et quelle envie nous prendrait sinon de jeter le
manteau sur Noé ivre, quand à la fin du volume nous lisons avec con
sternation la longue liste des ouvrages à disparaître ?