SUZANNE SEULE
A VILE DE PAQUES
J’avais résolu de nager aussi jusqu’à la troisième
île, malgré son aspect. A sept ou huit encablures,
inculte comme un cuirassé, elle scincillait ses deux
sœurs. Pas un arbre. Le vent soufflait sur elle les
pollens par cueillerées, les duvets de tournesol par
quarterons, et ces oiseaux à bec long par qui se
marient les palétuviers, et ces insectes gonflés de
graines de fraisiers qui remplacent en Polynésie le
marcotage, — mais on la sentait stérile. Négresse
près des deux favorites, épouse illégitime du Pacifi
que, elle n’àvait pas non plus sa bague en récifs et
je n’étais pas sans inquiétude sur l’abordage. A
mesure que je nageais vers elle, j’avais déjà assez de
connaissance de la mer pour sentir les poissons
moins nombreux ; je traversais des zones d’un liquide
qui me supportait à peine, et qui devait être du
pétrole, puisqu’en sortant de l’eau, je vis mes tatoua
ges à demi effacés. Je longeai une heure entière une
falaise à pic et qui devait être en pierre ponce, puis
que mon côté gauche, pour l’avoir effleuré trois fois,
redevint blanc comme en Europe ; et par un escalier,
un vrai escalier en pas de vis comme ceux qui mènent
chez nous dans les caves, je montai, avec l’impression
de m’enfoncer, sur la pointe des pieds et les coudes
au corps, me gardant de petites sources qui devaient