Volltext: Littérature (2 (1920), 16)

SUZANNE SEULE 
A VILE DE PAQUES 
J’avais résolu de nager aussi jusqu’à la troisième 
île, malgré son aspect. A sept ou huit encablures, 
inculte comme un cuirassé, elle scincillait ses deux 
sœurs. Pas un arbre. Le vent soufflait sur elle les 
pollens par cueillerées, les duvets de tournesol par 
quarterons, et ces oiseaux à bec long par qui se 
marient les palétuviers, et ces insectes gonflés de 
graines de fraisiers qui remplacent en Polynésie le 
marcotage, — mais on la sentait stérile. Négresse 
près des deux favorites, épouse illégitime du Pacifi 
que, elle n’àvait pas non plus sa bague en récifs et 
je n’étais pas sans inquiétude sur l’abordage. A 
mesure que je nageais vers elle, j’avais déjà assez de 
connaissance de la mer pour sentir les poissons 
moins nombreux ; je traversais des zones d’un liquide 
qui me supportait à peine, et qui devait être du 
pétrole, puisqu’en sortant de l’eau, je vis mes tatoua 
ges à demi effacés. Je longeai une heure entière une 
falaise à pic et qui devait être en pierre ponce, puis 
que mon côté gauche, pour l’avoir effleuré trois fois, 
redevint blanc comme en Europe ; et par un escalier, 
un vrai escalier en pas de vis comme ceux qui mènent 
chez nous dans les caves, je montai, avec l’impression 
de m’enfoncer, sur la pointe des pieds et les coudes 
au corps, me gardant de petites sources qui devaient
	        
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