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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
fois, à l’extrême limite où portent les yeux,
on aperçoit la fumée d’un des paquebots
qui, d’Espagne, vont à Colon ou à la Vera-
Cruz, mais ces paquebots n’arrêtent pas à
Florès. Ils font escale à Punta-Delgada
de San-Migueb l’île principale, bien plus
à l’est... Ainsi l’homme vit seul dans son
jardin, dans son beau jardin, qu’il cultive
lui-même. Il a un sourire en contemplant
ses mains souillées : qui donc aurait pu
penser que jadis il était grand parmi les
plus grands, qu’on l’appelait « monsei
gneur », de cette race qui plane à une telle
hauteur au-dessus des mortels, de cette
race de sang impérial qu’on nomme « les
archiducs » ? Aujourd’hui, nul ne voit plus
en lui qu’un jardinier. Il jette un regard
de satisfaction paisible sur les dragonniers
dont les petites feuilles épaisses et juteu
ses sortent déjà des branches tortes, sur
les mimosées qui achèvent d’abandonner
au vent leur neige d’or, sur les bassins
carrés, bordé de rocaille, qui abreuvent