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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
bien avec des bourreaux qu’avec des mar
tyrs ; il apparaît même historiquement, que
les uns succèdent toujours aux autres. Et
ce n’est point une raison, parce que les
bourreaux de cette nouvelle religion-ci sont
fort cruels, pour qu’ils ne réussissent point.
11 y a en moi, comme vous le savez, un ren
tier fort paisible, et un poète dada. Avant
la guerre ces deux personnages s’enten
daient fort bien, et il en est ainsi, d’ailleurs,
depuis les débuts du romantisme : le da
daïsme n’étant, je le proclame, que l’abou
tissement du romantisme. Mais aujour
d’hui, ils sont brouillés : le rentier que je
suis a peur du bolchevisme ; le dadaïste le
considère avec une sympathie sadique.
Fuis, par instants, ils se réconcilient en
songeant que la situation est telle que bien
tôt ni l’un ni l’autre n’auront plus rien à
perdre à un bouleversement total de la so
ciété. Cet état d’esprit devient, je vous as
sure, celui de beaucoup de bourgeois, mes
frères.