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MÉMOIRES D’UN DàI)A BESOGNEUX
« — Oui. Un fou très fou, fou à lier,
connu pour tel. Alors, quand il fait la po
lice, les indigènes ne se fâchent pas, vous
comprenez, ça les amuse. Et quand ils re
çoivent un coup de chicotte, ils se frottent
l’épaule et s’en vont, sans vouloir de mal à
personne : un fou, ça n’a pas d’importance !
— Vous en concluez ? firent à la fois
Monomane et Démocope.
— J’en conclus que c’est comme ça
assez souvent en démocratie. On aime
mieux les fous ; ils amusent, on ne leur en
veut pas, on ne les envie pas. Et ils font
les gestes qu’il faut, ou à peu près.
— Mais en temps de guerre?... objecta
Monomane.
— Ah ! dame, en temps de guerre ? En
temps de guerre, c’est comme chez nous.
Les deux partis font des bêtises, qu’ils
soient en démocratie ou en monarchie ; et
c’est celui qui en fait le moins qui gagne.
Après ça ils font un traité ; et, comme
chez nous, personne n’en est content.