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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
rades de classe. Je l’avais perdu de vue
depuis le baccalauréat. (Tous deux nous
en possédons le diplôme ; à cette heure, il
est rare qu’il soit refusé à personne.) Nous
causâmes d’abord de choses indifférentes.
Mais, insensiblement, mon contemportain
commença de parler peinture. Il émit sur
Rubens, Rembrandt, Raphaël des opinions
fort dédaigneuses. Les modernes ne trou
vèrent pas davantage grâce à ses yeux : ni
Delacroix, ni Courbet, ni Manet, ni Renoir,
ni Degas, ni personne. Il ne fit grâce, à
moitié, qu’à Cézanne, qui sans le savoir,
me dit-il, et bien imparfaitement, avait
montré la route. Toutefois il nomma, avec
une indulgence qui, après ce début,
m’étonna, Poussin et David, dont il affir
mait « procéder ».
« — Tu es donc peintre? fis-je avec un
certain étonnement : car je me souvenais
qu’à l’école il était incapable de dessiner
un nez qui eût l’air d’un nez.
« — Je suis peintre ! proclama-t-il. Pein