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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
— Puisque je suis rentier et poète !
— Impossible, en effet !... Mais dans ce
cas, vous ne pouvez être considéré à au
cun degré comme travailleur salarié. Aux
yeux du peuple, vous ne faites rien. Eh
bien, continuez !
— Je puis continuer ?
— Certainement : mais vous aurez à
payer la carte de paresse. Une des plus
belles inventions de la dictature des Con
seils, qui nous a été suggérée par la lec
ture des œuvres de Dumas fils. Nous vous
l’imposons d'autorité. C’est quarante francs
par jour, le prix de la journée de travail
d’un salarié conscient et organisé, sous
l’ancien régime. »
Quarante francs par jour font douze
cents francs par mois, et près de quinze
mille francs par an, et mes revenus ne se
montent qu’à dix-huit mille. C’est chaud.
« Mais si je travaillais ? » proposai-je.
— A quoi ? interrogea ce dictateur avec
dédain. Et, du reste, si vous travailliez, on