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L’ŒUF DUR
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JEAN-PIERRE LAFARGUE
Plainte en Vers blancs
Puisque j’ai la tête trop lourde
Encor des livres que j’ai lus
Et du heurt vain de mes heures,
Puisque je suis le mendiant
D’une assurance gaie qui dure,
Et que la peur d’être ma dupe
Rend mauvaises toutes mes joies,
Puisque j’ai mal à l’ironie
Devant tout ce qui est miroir
Je t’apporte ma douleur nue.
Tends-moi tes mains simplement,
Mais avec un rire d’amour
Qui fasse ton geste profond.
Sois la femme qui se désire
A mes caresses moins amante
Qu’incestueuse à peine et sœur,
Et pourtant répands-toi, ruissèle
Chevelure et tiédeur de chair,
Et va, hors de ta robe, nue
Pour être égale à ma douleur.
Que ta bouche, se fonde, mûre
Sur mes tempes ; n'ébauché pas
Avant moi les gestes qui joignent,
Des jeux tristes se jouent en moi.
Ma tragédie est peu de chose
Mais quand même le cœur a mal
Un dur pincement qui torture
Et l’angoisse de ne revoir
Ce que, perdu, je te demande...
Je t’apporte ma douleur nue.
Elle n’est pas de l’art, ma peine.
Sois simple, sois douce, je pleure
Dans ton cou et dans tes mains tièdes,
Je t’apporte ma douleur nue.