L’ŒUF DUR 
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sottise on dit éteints par le souci d’ètre un fort en thème, j’au 
rais eu plaisir à caresser le front et les yeux de tes petites amies 
et goûter avec elles leur satisfaction de vivre. Cependant Jean 
parlait seulement de silhouettes, plus ou moins célèbres, rencon 
trées dans ses premières fréquentations mondaines et l’abîme 
se creusait inévitablement entre ses compagnons et lui. 
Jean était trop fort pour s’attarder dans un ennui qui résul 
tait d’une maladresse : il s’éprit d’action et il entraîna au bal 
une des jeunes filles. Elle s’appelait Yvonne ; tout en elle expri 
mait une « convenance » absolue : taille moyenne, traits réguliers, 
des cheveux très noirs retenus par un ruban noir en forme de pa 
pillon, — une jupe sombre, un corsage de teinte claire inter 
médiaire entre le rose et le jaune, autoùr du cou un modeste 
collier de gros grains jaunes. Jean fut heureux de l’avoir dans 
ses bras et il s’obligea à danser avec adresse. Le sentiment de sa 
propre volonté amena Jean dans un état de volupté intellectuelle 
qui créa assez vite entre Yvonne et lui un lien assez curieux, une 
sorte de sympathie .métallique, glaciale, attristée et violente. 
La danse terminée, Jean dit à Yvonne : « Je suis satisfait ; je viens 
de danser avec la plus jolie jeune fille du bal. » C’était la vérité, — 
une vérité donc assez banale et apparemment très banalement dite. 
Mais Jean savait que cependant des compliments de cette dimen 
sion un peu grossière, faits sur un ton très sûr de soi ont de sérieuses 
chances de toucher. Les femmes qui les reçoivent sont en effet 
naturellement portées à avoir l’impression qu’un galant, aussi 
maître de lui et aussi systématiquement simple dispose d’un stock 
d’amabilités à f aire envie à une précieuse et que seul le soin d’être 
exact l’a amené à s’exprimer avec’cette vigueur sèche. Yvonne fut 
émue et regarda Jean pensive. Jean ayant pu pénétrer de cette 
façon un peu en elle, satisfit alors par le détour de quelques 
subtilités intellectuelles, l’ambition qu’il avait caressée tout à 
l’heure : être auprès d’une enfant jolie comme un enfant... 
Le soir tombait : Jean devait remonter à Flouriac ; il allait 
quitter Yvonne : il voulut lui dire un mot avant son départ. Souci 
de briller un peu auprès d’elle ? Plaisir de faire jouer encore sa 
volonté ? Non : simple habitude d’intellectuel qui ordonne ses 
rencontres et ses attitudes. Les circonstances feraient sans doute 
qu’Yvonne, — étrangère au pays, — ne reverrait plus Jean ; 
un épilogue était nécessaire. Elle avait des yeux noirs liquides qui 
brillaient d’une lumière à la fois forte et un peu fumeuse comme 
s’ils voulaient signifier l’équilibre de la sensibilité et comprendre, 
en même temps, certaines inquiétudes du cœur inhérentes à la Vie, 
— des yeux qui disaient tout : la mer, la lampe familiale, l’hospi
	        
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