7 L’ŒUF DUR — 6
— Voilà ma mère, murmura-1-elle, et la conversation a mal
commencé.
— Pas si mal, puisqu’elle était inutile et désintéressée comme
des symboles.
— N’importe 1 Demain, revenez à la même heure ; mais de
l’antichambre en ce petit salon, passez par l’autre porte ; je ne
vous verrai pas dans le miroir, et je n’aurai pas le temps de
me cultiver.
Il répondit oui et s’en alla.
Le lendemain, Pierre retourna dans la maison d’Ariane ;
mais il passa par l’autre porte ; et ne se voyant pas dans le
miroir, et y apercevant l’ombre vague d’un marbre bleuté par
le soir, il repartit sans entendre Ariane qui l’appelait :
— Mon amour !
Pour lui, ce soir-là, Ariane attendait Barbe-Bleue.
Le Blanc et le Noir
Je ne vous parlerai plus de Pierre.
Pierre s’allongea sur Je divan et ouvrit un Verhaeren.
... J’ai vu des gens
Et il y en avaient qui étaient assis sur des bancs
Et d’autres qui parcouraient la route
Mais ne la parcouraient pas toute
Parce que leurs pas n’étaient pas assez grands.
Le livre, par dessus le trépied byzantin, vint tomber à côté
de Ghislaine, attentive au mimosa qu’elle égrenait dans une
large coupe en verre peint et pleine d’eau. Ghislaine protesta.
Elle prétendait que le silence convenait à tous les rites. Le bruit
était une impudeur.
— Et si je me mettais tout nu ?
proposa Pierre.
— Cela n’a aucun rapport, observa-t-elle, et je ne suis venue
vous chercher que pour aller au cinéma.
Il courut à elle, s’agenouilla sans conviction.
— Et moi qui voulais me raconter à vous 1
Elle le releva, lui représenta qu’il était trop tard, qu’ils auraient
à^peine le temps de prendre une auto.
Ils descendirent dans la rue. Pierre laissa Ghislaine devant la
porte, et amena bientôt, avec une moue triomphale, une petite
Citroën qui les^enlevattous deux vers le Colysée.