L’ŒUF DUR 
8 
8 
fort en qui elle a suspendu son bonheur et ses espoirs. Il parle 
plusieurs langues. Sa large poitrine supporte d’aussi vastes offran 
des. A la Bourse, son petit doigt commande pareillement à une 
mine d’or au Cap, à un puits de pétrole dans le Caucase, à un 
chemin de fer d’intérêt local dans les Deux-Charentes. Marie- 
Louise en tire une légitime fierté. 
Pour moi, je n’ai d’elle que la trace de ses pieds nus dans les 
soies molles et tendres qui sont au bas de son lit. Elle m’aban 
donne avec nonchalance quelques gestes de son corps. Je les 
recueille au creux de mes mains, honteux pétales dorés, petites 
perles tombées de sa robe. Jolis airs désintéressés, le sourire est 
notre seul hymne national. Je sais d’autres religions, où l’on ne 
parie jamais de Dieu. 
Un jour je lui ai dit : « Nous ferions un beau couple » et comme 
je suis bossu elle a été vexée. Mon amour même plié en quatre 
empêcherait-il la princesse de dormir au haut de ses cent matelas ? 
(avec vos chaussettes de soie faites une échelle de corde.) 
Un concours de circonstances : «Marie-Louise, et si, nos baisers, 
nous leur accordions le temps qu’ils méritent, si nous laissions 
nos gestes remplir les harmonies, nos voix devenir graves et 
chantantes ? Si, las de vous livrer le meilleur de nous mêmes 
(des pulpes si exiguës), nous cognions nos genoux tremblants, 
nos tempes moites, nos dents serrées et froides ? Nous avons 
échangé des hasards ciselés, des fleurs parfumées de nos cein 
tures, de si faciles perfections et baisers vus dans le miroir. 
C’étaient de trop maigres cadeaux. Et quel jeu trouble, quand on 
y songe. Communions tout entiers.» 
Marie-Louise émue, le bracelet d’or s’entr’ouvre et tombe 
dans la confiture de groseilles. Les murs ont cessé de jouer aux 
quatre coins : un véritable défilé d’anges ! 
Les deux enfants s’en reviennent, le cœur gros, dans l’impasse. 
La merveilleuse contrée aux mangues d’or et aux oiseaux des 
iles était peinte sur une toile de fond (quel souci du décor !), 
ils ont touché le mur du doigt. Les autres jours ils lui faisaient 
confiance. 
Je pense même que c’est en revenant ainsi qu’ils ont rencontré 
le gros polieeman nègre et lui ont demandé la meilleure confiserie 
de la ville. Le policeman du bout de son bâton leur indique : 
« la seconde rue transversale à droite et à gauche. » C’est là 
que l’auto du directeur a rencontré les deux emants devenus 
trois et les a écrasés, trois grosses framboises dans la neige. 
Ou bien : nos cœurs forcés de dire la vérité éclatent en grosses 
fleurs rouges qui en touchant le sol deviennent des coussins. 
Le docteur monte pesamment l’escalier de bois en s’éclairant 
le visage « Les marches, dit-il, sont molles comme de l’ouate 
et chaque pas s’y enfonce. » Ses pieds pourtant sont en sang. 
Marie-Louise est étendue sur le tapis, largement vierge'promise.
	        
Waiting...

Nutzerhinweis

Sehr geehrte Benutzerin, sehr geehrter Benutzer,

aufgrund der aktuellen Entwicklungen in der Webtechnologie, die im Goobi viewer verwendet wird, unterstützt die Software den von Ihnen verwendeten Browser nicht mehr.

Bitte benutzen Sie einen der folgenden Browser, um diese Seite korrekt darstellen zu können.

Vielen Dank für Ihr Verständnis.