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L’ŒUF DUR 
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Vocabulaire, de Jean Cocteau, à la Sirène. 
Accueillons ce recueil avec l’attention qu’il mérite. Beaucoup de poésie, 
la meilleure, s’y trouve contenue. Sa formule, régulière, disciplinée, volon 
tairement adoptée par le poète pour des raisons qu’il a bien fait de ne pas 
nous donner, ne doit pas nous empêcher d’y découvrir la plus pure inspiration 
poétique. Toujours semblable à elle même, authentique, spontanée. Vocabu 
laire est un ouvrage qui approche de bien près la perfection. 
On devine aisément ce qui a lassé Jean Cocteau dans tout ce que Paul 
Morand nomme si justement « les grands terrains en friche que les poètes 
modernes ont conquis sur le néant ». 
Il faut le féliciter d’avoir échappé, lui, à la contagion de cette fiévreuse 
et aveugle conquête ( à la minute où il ne se sent plus fait pour elle) et d’être 
rentré, sagement, tout seul, comme chez soi, dans cet ordre, vers cette 
tradition renouvelée, mieux faits pour le servir, pour l’éclairer dans la 
« course à l’inconnu » qui n’a, certes, pas cessé de le solliciter. Domaine 
où les fouilles peuvent se faire en tous sens. La victoire, par ici, n’est pas 
plus aisée si le but parait plus précis. Sentir juste et dire infailliblement : 
elle est à ce prix. 
Il faut lire Vocabulaire pour comprendre ce qu’il y a de dignité chez un 
artiste réagissant contre le mouvement qui l’entraîne, et cela sans bruit, 
mais par le plus nécessaire des hommages envers sa propre sincérité. 
J. Porel 
La Verdure Dorée, de Tristan Derëme, chez Emile-Paul. 
Au petit matin la jeune fille, retour du bal, émiette entre ses seins les péta 
les fripés de la rose jaune. A la lumière électrique de sa chambre d’enfant, 
les trèfles à quatre feuilles sont mauves. Tout petit garçon, l’odeur persis 
tante des étoffes chaudes m’était un souvenir. La poésie de Derème résume 
bien cet « Après la bataille » des fastueuses victoires, des bilans du cœur, 
des sourires sur soi-même et toute cette pitié qui ne tire pas à conséquence 
et s’évanouira après un bain chaud. Tristesse pour corps frais et jeunes 
coups d’œil en biais sur le revers de la médaille, sourire qui souligne les 
soirs navrés, sans déranger le désordre de l’âme. Rosée du matin bue sans 
prétentions, au creux de sa chère main, et gaieté qui fait des ronds avec 
sa pipe. Petits ronds de fumée bleue, petits cercles dans la vasque du jet 
d’eau ,je vous traverse ce soir comme l’écuyère du cirque les cerceaux en 
papier, chère jeune fille morte l’autre été dans les bras d’un autre jeune 
homme. 
Francis Gérard. 
Signes des ^Temps, de Maurice Martin du Gard, chez Emile-Paul 
J’ai rencontré Maurice Martin du Gard à Venise. Vêtu d’un vieux chan 
dail, il faisait semblant de conduire un auto-scaphe ou bien il ramait de 
travers sur une gondole. Sa figure est celle d’un doge. Son règne glisse par 
les mille canaux d’un cœur. 
Comme il était officier de marine, il câlinait la femme du contre-amiral 
il regardait toute chose par le petit bout de la lorgnette. 
Dans la foule des femmes, il cherche celle qu’on aime. Viennent les larmes. 
Mais attention 1 II met le pied dans un ascenseur, qui suavement l’évase 
jusqu’à la plate-forme du campanile, qui sourdement l’élève jusqu’à ce 
soudain, ce haut accent de la lyre. 
Entre ses deux pieds posés d’équerre, il mesure une ville plate et ce 
qu’on a oublié de dire sur une si noble fourmilière, écrasée par le ciel. 
Drieu la Rochelle. 
Débarcadère, de Jules Supervielle, Revue de l’Amérique latine, 
L’auteur revient des Pampas. Ce sympathique marin débite sa marchan 
dise d’une voix assez grave, pour qu’on l’entende, c’est joli les voyages, 
on dit que ça forme la jeunesse. Il offre les vanilles, les perruches, les négres 
ses et de petites pipes sculptées en poupes de navires. Sous son grand feutre 
de peluche, il fait l’article, mais d’un sourire inquiet, se demande s’il va
	        
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