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venait nous ordonner de ne jamais rien conce
voir, ni rien penser en nous-mêmes sans aussi
tôt l'exprimer au dehors, le crier même, nous
ne le supporterions pas un seul jour. Il est
donc vrai que nous appréhendons l'opinion du
voisin sur nous-mêmes plus que la nôtre.
L’on éprouve du raisonnement le
passage, et l’endroit difficile. Il faut admettre, ou le reste
s’effondre, que c’est sur la même pensée que les autres se
prononcent, et nous — et donc que cette pensée se peut,
à volonté, porter du dedans au dehors, ou l’inverse : les
mots ne marquent pas sur elle, ces mots sont comme s’ils
n’étaient pas.
(Je suppose qu’.une idée aussi aiguë, et à
chaque instant menacée, faisait le souci de Marc-Aurèle.
Seulement il la voulait faire passer en proposant à l’atten
tion un paradoxe plaisant.)
Les jugements communs sur le mensonge
ou la sincérité supposent le même fond : c’est à savoir que
l’on parle sa pensée directement, sans intermédiaires, plu
tôt que de parler ses mots (dont l’enchaînement et les jeux
peuvent suivre des lois différentes, donner trois cents com
binaisons inattendues.)
Il vient de là quelques sentiments :
celui, entr’autres, de la duplicité du menteur qui dans le
même moment, suppose la morale, pense le vrai et dit le
faux — (mais il suffit d’une légère habitude du men
songe, pour reconnaître ici une illusion misérable). Et tous
autres jugements dûs, comme il arrivait pour la réclame
du sucre, à ce que nous nous conduisons avec les mots,
comme s’ils étaient les choses mêmes.
IV. RAISON DE LA RIME.
Agrys, lorsqu’il a suivi depuis les Romains
les aventures d’un mot, parle fièrement de son sens véri
table : la religion, dit-il, est lien des citoyens, puisque
religio... (il espère ainsi mieux connaître la chose dans le
même temps que le mot).