Mais qu’est-il besoin d’aller chercher
Agrys. Myre dit: «On a bien raison de les appeler des
protestants, ils protestent tout le temps » et Béril : « Savez-
vous pourquoi je ne peux pas souffrir les menuisiers ? C’est
parce qu’ils me nuisent ». Répondra-t-on que Béril veut rire,
je ne suis pas sûr qu’Agrys parle sérieusement. Toute la
science du monde quel droit peut-elle ici fonder ? Tel mot
a changé de sens, c’était pour échapper à sa première erreur
ou confusion (ainsi ne trait-on plus une image, les cheveux,
les yeux de la tête, mais le lait seul)-; tel autre, ç’a été à
la faveur d’une confusion nouvelle, d’un jeu de mots : en
sorte que l’étymologie exacte nous va renseigner sur son
sens moins exactement que ne fait l’étymologie supposée
(legs, de la sorte, ne reçoit pas sa signification de laisser,
dont il sort, mais de léguer, qu’il imite).
Il reste que cette éymologie, où elle
use de mots épuisés, court peu le risque d’être prise en
défaut: nul de ces mots que l’on puisse retrouver, l’instant
d’après, muni d’un sens trop différent (comme il arrive pour
le calembour) — Mais ceci est déjà question de mesure, et
de réussite: et précisément de la réussite de cette conviction,
de ce souhait — dont relèvent pareillement l’analyse du
grammairien, les jeux de mots divins de la Pythie — que
les pensées et les mots sont confondus au point qu’il n’est
pas un fragment de mot qui ne conserve, en toute aventure,
SON fragment de pensée.
L’on parle volontiers du
charme de la rime: faute, peut-être, de raisons. Il ne nous
surprendra pas, il entre dans la ligne exacte de nos remar
ques, que la tâche de cette rime soit de fonder, pour un
moment, une prétention des sons voisins aux pensées voi
sines — et flatter par là notre souci d’un langage parfait.
On ne lui ferait point reproche, à l’occasion, de nuire au
sens, si l’on n’avait compté qu’elle le favoriserait. L’on
n’aurait pas cette déception, si l’on n’avait eu cet espoir.
(A suivre)
JEAN PAULHAN.