(Introduction à une morale momentanée)
La pensée de la destruction bien sentie, bien méditée devrait
dans un seul jour changer l’univers en monastère ou en
tombeau. Quand donc rougira-t-on de jouer la vie ? Les farces
les plus courtes sont les meilleures. Voilà bien longtemps que
cela dure, l’homme, les oiseaux et le reste. Vous qui dormez
dans les villes, ces vastes hospices aux cabanons numérotés,
desquels les cimetières sont les jardins les plus frais, vous ne
valez pas moins que les campagnards assis sur leurs fumiers,
idées croupissantes, oignons de sottise ou pourriture d’intelli
gence.
L’œuvre de Dieu est belle, elle est chose d’enivrement.
Qu’importe de mourir un jour puisque nous l’aurons aperçue,
avec ses ravissantes palmeraies, ses montagnes, ses vallées, la
mélancolie, les petits bateaux, deux ef deux font quatre, le
merveilleux équilibre qui prouve l’existence du Créateur, les
joies de l’enfance, de la jeunesse, de l’âge mûr, de la vieillesse,
la folie, la sagesse, Paris capitale de la France, les exemples
touchants de la piété filiale, de l’amour pur, du doux renonce
ment de soi-même ! Le bonheur du jour est un bonheur sans
mélange.
La liberté par le suicide ou par l’évasion, on revient toujours
à ce point de l’histoire. Mais que sait-on de ces moyens de
transport ? J’ai lu de belles pages sur ces sujets : édredons
rouges, verres de vin. Vous ne me ferez pas croire que le
propriétaire soit assez bête pour avoir laissé la clef sur la porte:
un coup de revolver, on n’est pas quitte à si bon prix. Où
prend-on que les condamnés à vie doivent se tuer? Les bagnes
seraient vides.