Volltext: 8 = 1920, novembre (8)

ÇA IRA ! 
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de l’évolution continue et volontaire 
d’une sensibilité ; et particulièrement 
m'attire la façon dont elle se manifestait ; 
je veux dire l’émotion. 
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* * 
Deux causes, l’une comprise dans son 
caractère, l’autre née de son contact 
avec la société, favorisent et rendent 
inévitable, l’orientation curieuse de 
l’émotion stendhalienne. A son entrée 
dans la vie il s’aperçoit rapidement que 
l’expression sincère et ardente de ce 
qu’il ressent ne peut que lui nuire dans 
les salons de Paris. Sa spontanéité pas 
sionnée choque et la violence de ses 
impressions, dès qu'il s’y abandonne, lui 
rendent impossible leur traduction et le 
laissent inférieur à lui-même : être infé 
rieur à soi-même le désespère. Il en 
résulte que les succès d’amour-propre, 
auxquels il accorde quelque importance, 
lui manquent. Il apprend que sa fougue 
et sa sincérité d’émotion le perdent et 
il s'applique, dès lors, à s’entourer de 
toute la froideur désirable. Sous un 
masque de désinvolture il se met à jouer 
l’homme d’esprit. Cela lui réussit à 
merveille et il acquiert peu à peu la 
réputation de causeur brillant, mais 
détaché, ironique, glacé, à laquelle il 
aspire. 
Si d’ailleurs, Stendhal songe à plaire 
dans les salons, ce n’est pas seulement 
par amour-propre mais encore et en 
grande partie pour y obtenir, par le 
contact avec des personnalités étran 
gères ou adversaires, la maîtrise de 
soi-même et la méthode pour se diriger. 
N’a-t-il pas écrit quelque part : “On 
peut tout acquérir dans la solitude, 
hormis du caractère". Mal satisfait de 
la fermeté du sien, c’est là qu’il cherche 
de quoi se fortifier par d’incessantes 
expériences. 
Enfin, ii y trou ve aussi des anecdotes 
de psychologie sentimentale, d’aven 
tures et stratégies amoureuses, tous 
documents précieux pour “l’observateur 
du cœur humain“. il les observe en 
action, ouïes reçoit de premières mains, 
et son esprit s’en empare pour nous en 
restituer l’essence en des romans. 
La seconde cause de son parti-pris de 
froideur superficielle est toute particu 
lière : l’exagération lui était insuppor 
table. En montrer devant lui suffisait 
pour être irrémédiablement jugé, et fort 
mal. Ce qui l'indisposait chez les autres, 
en lui-même l’obsédait. Il se fesait une 
règle d’éviter à tout prix jusqu’à l’appa 
rence de rhétorique ou de déclamation. 
Dans ses romans comme dans sa 
conversation, dans sa correspondance 
aussi, la constante préoccupation de 
Stendhal d’âge mûr fût de rester précis, 
net, et s’il faillait choisir, de préférer la 
sécheresse à l’outrance. 
Craint-il, dans l'entraînante douceur 
du souvenir, d’aligner quelques phrases 
où le lecteur pourrait trouver un sem 
blant de “littérature'' ou la moindre 
amplification des faits, Stendhal s’inter 
rompt. Au risque de perdre le fil des 
idées, il ne reprend la plume que dûment 
calmé par l’intervalle. Il écrit, à la fin 
de “Henri Brulard" et après s’être 
permis quelques mots au sujet des jours 
les plus heureux de sa jeunesse : “je 
quitte mon papier, j’erre dans ma 
chambre et je reviens à écrire. J'aime 
mieux manquer quelque trait vrai que 
de tomber dans l’exécrable défaut de 
faire dé la déclamation, comme c’est 
l’usaqe.
	        
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