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ÇA IRA !
Plus loin, au sujet d’une femme
qu'entre toutes il aima, voici une ligne
non moins significative : "Je me suis
promené un quart d’heure avant
d’écrire".
On sent bien qu’à se trouver ainsi
comprimée, l’exaltation de Stendhal ne
pouvait que se fortifier intérieurement,
au lieu de se disperser sur mille objets
divers et en mille récits lyriques. Il en
jouissait d’autant plus, et la conservait
plus haute, qu’il lui mesurait les occa
sions de se faire jour.
. Si tels furent les résultats auxquels il
atteignit, se n’est que progressivement,
instruit par l’expérience et sollicité par
sa haine de l’affection, qu’il en vint là.
Pour endiguer de la sorte son exaltation
et dérober au public ses moments émus,
il fallait bien qu’il exerçât sa volonté et
s’observât soigneusement. Observations
et exercices qui ne finirent qu’à sa mort.
Et pourtant, Stendhal semblait devoir
vivre uniquement pour donner libre
cours à l’impétuosité de sa nature, aux
impulsions d’un cœur passionné. A
20 ans, tout le transporte. J’entend tout
ce qui est noble, grand, beau, invite
aux grandes pensées ou aux actions
héroïques. Tout l’émeut et fait couler
en lui un torrent d’impressions. Il sort
d’entendre une tragédie qui l’a trans
porté dans un monde supérieur et il
note hâtivement, avec une curieuse
sincérité : "La noble pensée qu’elle
m'inspirait avait passé jusqu’à mon
maintien. J’étais superbe en passant par
le corridor et l’escalier pour sortir."
Comme déjà Stendhal, à 20 ans,
s’observe et se regarde agir ! Il écrit
d’ailleurs, parlant d’un visite pleine
d’espoir à une femme qu’il désirait :
"Moi, en y allant, je ne me tenais pas
de bonheur. J’avais besoin dans la rue
Neuve-des-Champs, de faire effort sur
moi même pour m’ôter de devant les
voitures qui passent."
Les traits révélateurs d’une exquisé-
ment impressionnable sensibilité, se
marquent à chaque page dans les divers
"journaux" qu’il écrivit. Je n’en donne
qu’un. Etant à Milan, il assiste à une
représentation de Lara, dans la loge de
Ludovic de Brême. Il y trouve Lord
Byron, et n’a plus, tant la présence du
poète et la beauté du spectacle l’exal
tent, aucun empire sur lui-même. Il écrit
à ce sujet : "J’étais rempli de timidité et
de tendresse. Si j’avais osé j’aurais serré
la main de Byron en fondant en larmes."
Exemple entre cent autres....
Rien de plus vibrant, de plus délica
tement sensible que le railleur désabusé
des souvenirs d’Egotisme, à cet âge-là.
Ceci pour montrer qu’il n’y a pas chez
lui manque de cœur ou sécheresse
d’esprit. Il s’agit bien de la domination
cherchée de l’enthousiasme par la froi
deur ; et de cacher prudemment de rares
qualités sous l’éclat d’une conversation
spirituelle et sous "l’ironie imperceptible
au vulgaire".
Pourtant, alors existe déjà et peu à
peu va s’amplifier en lui une aversion
pour le trop en quelque chose que ce
soit, pour la grandiloquence, l'exagé
ration, la pompe, et le lyrisme hors de
propos ou hors de la vérité des faits. Il
critique nombre des tragédies et note
ce qu’ont d’invraisemblable et de
fâcheux les tranquilles déroulements de
vers solennels et impeccables, alors
que sont en présence, haletants et