Î)BIEÜ;LA ROCHELLE
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poil dont ils étaient autrefois tout couverts et que ce fusil soit agrémenté
d’une sorte de couteau qu’on appelle baïonnette. Celui-ci rappelle le
glaive et les travaux qui ont rempli les annales jusqu’à l’avant-dernier
siècle. Alors deux hommes ne se donnaient la mort que de la main à
la main, qu’après s’être un peu tâtés, peut-être regardés. Ils avaient,
je l’imagine, le temps de se connaître, et l’âme de celui qui l’emportait
s’augmentait de l’âme du défaillant.
J’avais vu dans l’œil de Guy, lors de l’incident du charretier, briller
un sentiment vigoureux et inutilisable comme ce fer antique attaché à
une moderne machine à tuer.
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Mais nous étions arrivés au bar où Guy passait tous les soirs.
Le paltoquet, vêtu de gris londonien, se jouait d’un fétu. Il feignit
de s’étonner et de s’amuser de nos aventures.
Guy était fort gai et tout à son aise, lampant les cocktails avec en
train.
Pour moi, il était sept heures du soir. Les hommes ne travaillent plus ;
la soirée sera surprenante.
Ablain était galvanisé par les violents événements qui auraient pu
survenir, et redressé dans son veston, se faisait l’effet d’un demi-solde,
coriace amateur de plaies et bosses.
D’autres s’étaient joints à nous. La Marche se pencha sur le palto
quet et, avec deux doigts, tira de sa poche un petit livre.
« Ah! Ah! jeune poète, nous y voilà donc. »
Du coin de l’œil, j’aperçois le titre : Pattes de Mouches. Cet exem
plaire, sur Japon, porte une dédicace :
A Guy La Marche,
La beauté est la seule gloire.