DRIEU LA ROCHELLE
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— Guy, épousez-moi. Je n’ai pas beaucoup d’argent, nous mange
rons ma dot. Après...
— Vous me voyez en mari?
— La partie devrait vous tenter. Je vous croyais joueur.
— Je traîne dans les bars, je n’ai pas de situation, je ne suis pas
un homme qu’on épouse.
— Bon, je vais me marier. Vous aurez pour maîtresse une femme
mariée. Ce sera très 1890.
— Peuh!...
Nous nous arrêtâmes ensuite devant un tir. Autre histoire. Un mon
sieur épaulait. Des tics pleins la figure comme une guêpe contre une
glace. Soudain, tout s’immobilise, les pipes volent en éclats. Le tireur
se retourne; sa figure encore effacée par l’effort, disparaît devant Guy,
sous un anéantissement plus irréparable.
Guy fronce les sourcils et me regarde de biais.
Jim Fizz avait l’air d’une brute, parce qu’il avait quarante ans, les
épaules surmontées, une grosse tête, une grosse voix. Mais les appa
rences sont parfois trompeuses. Dans son art qui était le cinéma, il
brouillait l’écran de ses mièvreries. C’était, en réalité, un petit garçon
qui pleurait dans les coins, ce gros débauché, chez qui se déversait,
comme le stout dans un verre épais, î’écume de la jeunesse.
Rapprochant Fizz du Paltoquet, je les voyais si différents que je
perdais à nouveau la trace de Guy. Je ne savais pas débarrasser un
visage, un corps, des artifices et des accessoires; retirer à celui-ci sa
moustache, ou, au contraire, poser une barbe à celui-là. Si j’avais
rajeuni Jim Fizz, de vingt ans, si je l’avais rasé, j’aurais vu qu’il ne
différait plus du Paltoquet. Ou inversement. L’un et l’autre, c’étaient
des coeurs de sucre dans des corps de grosse viande.
Mais n’oublions pas que nous sommes à la foire, voilà justement
que le Paltoquet passe dans un wagonnet folâtre. Il est près de nous,
il nous fait un signe mesquin de la canne qui, dans ses mains, est un