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PIERRE REVERDY
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TÊTE FERMÉE
Ecoute, écoute-moi ; un rayon rouge ou violet frôle
la vitre. Il n’est pas encore midi et tout le monde dort
là-bas derrière. Des cris filent dans les chemins. Il ne
passe pas de voitures, et c’est bien ta tête que j’ai vue
au ras des buissons en train de faire des grimaces. Le
vent qui secouait le paysage s’est arrêté au coin du
bois. Il s’est mouillé dans la rivière qui ne dort plus et
le soir vient en retenant son souffle, en étouffant ses
pas. L’air fraîchit. On a peur, et les quatre murs de la
maison s’isolent, puis le toit disparait. Ecoute et ouvre-
moi; je glisse sur la vitre, comme un regard sur un
autre œil qui rabat sa paupière. La vitre, la nuit, le
volet froid.
L’AME ARDENTE
La flamme monte à mesure que le froid s’abaisse sur
la nuit.
La flamme de la lampe monte entre les ombres
froides qui bougent dans la nuit. Et la lueur s’allonge
et pousse comme un arbre.
Un arbre de feu dans la nuit,
Sur les routes de glace
Entre les parapets de lune et de métal
Sous les flèches piquantes de mille rayons de cristal
ou de reflets d’étoiles.
Vers la flamme qui monte droite dans la nuit.
C’est la voix de la foule obscure qui murmure ou le
bruit des pas qui battent le chemin.
Mais jusqu’où poussera la flamme qui monte ardente
et droite dans la nuit...