Volltext: 5(1924), Janv.-Fév. = Nr. 35 (35)

808 
LE GÉNIE SANS MIROIR 
l’intégralité de leurs sens. Quoi de plus touchant que cet amoureux qui, 
dans sa folie, représente un androgyne lunatique interrogeant un cœur 
percé de deux yeux larmoyants. Quel érotisme plus aigu que la nudité 
de cette femme entrevue à peine par la fente d’un ample manteau. 
Qu’on me cite une image mystique supérieure à celle de ce Christ, qui 
brise sa croix comme un fétu de paille, à ce souterrain qui s’enfonce 
vers la sortie. Ouvrez les yeux, je vous en prie, sur les paysages vierges! 
Acceptez comme un postulat le principe de la liberté absolue et recon 
naissez, avec, moi, que le monde où vivent les fous n’a pas d’équivalent 
à notre époque. 
Des complaisances horribles nous permettent de vivre chaque jour 
avec ces hommes dont l’haleine sent le vide. Nous invoquons le nom 
de Dieu avec autant de facilité que celui d’un concierge. Il en est temps 
encore. Dieu est à la porte avec ses clefs de nuages, derrière sa loge 
monte l’escalier inconnu. Les sceptiques ne pénètrent pas même dans le 
couloir. Ils tirent la sonnette et font des blagues au chat. Nous sommes 
encore devant cet écriteau : « Parlez à Dieu », les pieds enracinés, 
nous semble-t-il. De temps à autre, des cambrioleurs passent en souriant. 
Ils sont plus jolis, plus tendres, plus aimables que des femmes. Quel 
ques-uns sont masqués, tantôt ils passent quand le concierge Dieu a le 
dos tourné, tantôt ils livrent de mémorables batailles contre lui et leur 
image reflétée dans ses yeux; quand ils ont terrassé leur redoutable 
adversaire, ils disparaissent par l’escalier aux marches irrégulières et 
nous écoutons longtemps le bruit de leurs pas. 
Resterons-nous dans ce couloir? 
Hommes de foi, je vous en conjure, en avant! notre cœur ne bat 
plus à l’unisson des peuplades qui nous entourent, les splendeurs mo 
dernes, nous les connaissons jusqu’à en vomir; il se fait tard, les rues 
sont peuplées de gendarmes et de sergents de ville, nous n’avons pas 
sonné en vain, le concierge Dieu a ouvert la porte. Montons chez nous! 
Paul Eluard.
	        
Waiting...

Nutzerhinweis

Sehr geehrte Benutzerin, sehr geehrter Benutzer,

aufgrund der aktuellen Entwicklungen in der Webtechnologie, die im Goobi viewer verwendet wird, unterstützt die Software den von Ihnen verwendeten Browser nicht mehr.

Bitte benutzen Sie einen der folgenden Browser, um diese Seite korrekt darstellen zu können.

Vielen Dank für Ihr Verständnis.