TRISTAN TZARA
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FAITES VOS JEUX
LE FAUX PIÈGE
XI. — Deux réactions brutales à des apparences trompeuses.
Je ne sais plus par quelle manœuvre de prétextes réciproques je me
trouvai dans sa chambre. Je l’avais connue modèle chez des peintres
parmi lesquels je me plaisais à perdre mes heures en esquissant des idées
qui tardaient à se montrer. Elle était petite, son visage était laid malgré
ses traits fins et réguliers. Ses cheveux coupés accentuaient la trop grande
distance entre les yeux, ce qui donnait à son visage un caractère absurde,
souriant et mongol. Elle était très au courant de la littérature et de
l’art, car elle savait s’en informer aux sources mêmes; je ne faisais qu’un
anneau de plus à la chaîne de sa vaste documentation. Son esprit était
vif, et, saisissant au vol les trapézistes qu’étaient les mots, elle dosait
assez bien leur degré d’obscurité pour combiner des propos parfois
inattendus dans le vaste espace entre les cordes tendues parmi lesquelles
le déclin de son corps se faufilait adroitement.
Quatre jours pendant lesquels elle put suivre le fonctionnement de
mon cerveau, me suffirent à connaître le désordre de robes, de tasses,
de livres, de chaussures, de bouteilles, de restes de repas et de systèmes
philosophiques qui compose la « vie d’artiste », — l’orgueil qu’elle