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LE ROMAN
ces airs de fausse séduction qui rendent insupportable certaine partie
de la littérature actuelle.
Sa forme est sobre, obéissante. Malgré une tendance à s’éloigner
de la simplicité en s’élevant vers la grandeur, ce style n'est entaché
d'aucun verbalisme et reste le langage bien articulé de l'intelligence.
Parmi tant de témoignages divers que nous livrent les imaginations
et les sensibilités contemporaines il faut faire une place à part à ce
très jeune écrivain qu’une gravité précoce, une intelligence perpétuelle
ment attentive et une méditation d'une exceptionnelle richesse font l’un
des esprits le plus fortement retranchés en eux-mêmes de ce temps.
Jacques POREL
À LA DÉRIVE, par Philippe SoupauU (Férenczi).
Les livres de Philippe Soupault coulent d'un seul jet, plutôt torrents
que rivières, parfois cascades, parfois aussi jeux d'eau pour jardins
artificiels et littéraires. L'auteur s’y embarque à la première page, il
ne connaît pas sa route, il ne s’en inquiète pas ; il est comme on disait
aux temps romantiques, une force qui va. S'il lui arrive de passer entre
des rives limoneuses, ou de s'attarder à pêcher pour ses collections
particulières des poissons rares et peu comestibles, nous le recon
naissons toujours : c’est le même frémissement, la même ardeur, le
même lyrisme.
Philippe Soupault est un écrivain lyrique ; tout ce qu'il fait participe
de la création d’un poète ; son nouveau livre le montre mieux encore
que le Bon Apôtre. Je ne voudrais pas que l’on prît cette constatation
pour un faux compliment, car l'habitude s’est formée, appuyée sur
quelques illustres exemples, de penser qu'un poète ne peut être un bon
romancier. Qu’on me permette donc quelques remarques.