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340 LE ROMAN
TERRES ETRANGERES, par Marcel Arland (Nouvelle Revue
Française)
Marcel Arland me donna un petit livre et nous allâmes tous deux
au Ciné-Opéra voir un film systématiquement chaotique intitulé sans
modestie Crime et Châtiment, où des maisons de guingois abritaient des
crimes sans mystère et des tourments sans grandeur. Je me rappelai
que Dostoïevski fait errer entre des bâtisses droites et plates, le jeune
étudiant avant et après l'assassinat, et, parce que certain ordre est dans
la ville, le tumulte se fait plus exaspéré dans son âme.
Que Marcel Arland m'excuse de ce préambule, mais lassé du bric à
brac trop bien combiné — dont le cosmopolitisme d'ailleurs est l'un des
aspects — j'avais besoin de maudire certains disciples, certains adapta
teurs, comme on dit dans les studios et les coulisses, pour mieux aimer
l'ardeur et la simplicité des visages qui ont la vraie, la seule beauté de
l'inquiétude.
De Racine à Gide est longue la galerie de ceux que torturèrent
l'amour, l'angoisse du cœur, et le mal de l'intelligence. Or le désespoir
n'a point cassé leur nez, tailladé leurs joues et mis leurs maisons cul par
dessus tête ; c'est de l’intérieur que la souffrance et la tentation éclai
rent leurs yeux ; on peut parler de flamme ; il n’y a en eux, ni autour
d'eux, rien de cette extravagance qui fait si pâles les plus sombres et
plus humaines tragédies de l'âme.
Marcel Arland aime Racine; je sais qu'il y a trois ans Marcel Arland
aimait Marivaux ; Marcel Arland aime André Gide, ne le cache point
et certains qui liront Terres Étrangères le lui reprocheront peut-être.
Pour moi je veux d’abord me réjouir qu’un jeune écrivain n'ait pas
embelli (façon de parler) sa première œuvre des petits procédés bien
modernes, d’un usage si facile et si sûr.